C’était encore moi qui avais choisi notre activité de l’après-midi. Cette fois, je n’avais pas l’impression de la pousser ou de la faire sortir de sa zone de confort. Toutes les pensées motivant ma proposition auraient pu être les siennes, et l’étaient au moins à hauteur de 50%.
Nous allions finalement découvrir si je pouvais être plus qu’un loser égoïste et solitaire, pour quelqu’un d’autre qu’elle. Et par la même occasion, je pourrais aider Melody à diffuser sa lumière qui, pour l’instant, n’était quasiment réservée qu’à moi.
Depuis le jour où elle était restée avec moi alors que ma mère m’avait coincé avec les monstres, cette idée s’était baladée dans un coin de mon esprit. Je voulais maintenant la concrétiser.
J’avais dû téléphoner pour prendre rendez-vous et me rendre à un entretien avec le responsable avant que ma demande ne soit validée. J’avais fait face à un homme qui avait sûrement une petite cinquantaine d’années mais semblait avoir vieilli prématurément.
Les cheveux blancs de Robert, ou « Bob » étaient très envahissants, sans doute à cause de l’inquiétude constante. Il n’était pas encore chauve mais déjà bien dégarni et son visage portait les traces des années ayant creusé des rides.
Il était plutôt sympathique et il fut conquis par ma demande, ravi d’avoir des bénévoles. Après une rapide présentation en face à face, il me fit faire un court test en solo que je trouvai plutôt gênant mais que lui considéra comme un succès dans l’ensemble. Il me complimenta : « Au moins, je n’aurais pas trop à m’en faire pendant quelques heures ! »
Même si j’étais quasiment certain que l’activité en elle-même plairait à Melody, je devais au moins l’avertir du contexte. Je pris aussi soin de lui exposer mes raisons et mes motivations point par point. J’avais bien fait, elle me dit qu’elle devrait porter une tenue adaptée et acheter de nouvelles fournitures.
« J’ai eu un incident avec une camarade le trimestre dernier, depuis je ne suis plus très prêteuse. Je ne veux pas qu’un vol ou qu’une malencontreuse destruction noircisse l’expérience et je ne veux pas non plus faire ma snob en étant la seule à avoir des outils convenables… Et puis, ça leur plaira peut-être d’en avoir pour eux s’ils veulent recommencer. »
Ma partenaire était si généreuse, si altruiste. Malgré des années de moqueries et de rejet où elle avait été mise à l’écart, elle était toujours si ouverte au monde… C’était magnifique.
On passa beaucoup plus de temps que nécessaire dans le magasin mais ça ne me gêna pas. Voir les yeux si expressifs de Melody s’émerveiller régulièrement devant les produits était un cadeau en soi. Et quand elle en repérait un qui lui serait utile pour réaliser un des projets qu’elle avait en tête, je la voyais noter la référence et le prix dans une liste sur son téléphone.
Pour aujourd’hui, elle ne prit que ce qu’elle avait dit et je l’aidai à payer pour tout ça. Elle n’aurait pas eu à faire cette dépense sans mon idée, ça me paraissait donc normal de participer à l’achat.
On arriva au foyer avec deux énormes sacs plastiques chacun, contenant de la peinture et une toile pour chaque personne. Vingt-trois adolescents entre 12 et 15 ans étaient présents pour l’activité. Ce nombre aurait rendu Melody mal à l’aise si nous n’avions pas été deux pour le compléter. Je le savais et j’avais prévenu Bob des contraintes, lui laissant le choix entre plusieurs nombres qui ne la dérangeraient pas.
Quand elle avait peint avec mes frères et sœurs, elle avait laissé entrevoir qu’elle adorait ça, bien qu’elle m’en avait rarement parlé avant. Sa joie et son plaisir avaient été évidents. Et pourtant, ce n’était rien à côté de son enthousiasme du jour.

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Tout Ce Qui Compte
RomanceLes gens se désintéressent très rapidement de ce qu'ils ne comprennent pas ; et personne ne comprend Melody. Melody et Hayden sont deux lycéens un peu en marge. Ils traversent leur quotidien chacun de leur côté jusqu'à ce qu'un incident les mettent...