4 - Hayden

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J’essayais de retarder l’heure de début du cours au maximum. C’était l’un des seuls aspects sur lesquels j’étais comme tous les jeunes de mon âge : l’idée même de rentrer dans l’établissement suffisait à me souler. Beaucoup de choses m’ennuyaient mais si j’avais dû faire une liste, les cours se trouveraient forcément dans le top 3.

J’attendais donc la dernière seconde, posté nonchalamment contre le portail, une cigarette à la bouche. Je ne bougerais pas de mon coin tant que j’aurais encore une minute devant moi. Je voyais défiler des hordes d’ados, et aucun ne suscitait en moi le même intérêt que la fille de l’autre jour. Elle n’avait rien fait pour, et pourtant elle s’insinuait insidieusement dans mes pensées à intervalles réguliers depuis.

J’étais un ado après tout, ce n’était pas rare que je sois attiré par une jolie fille mais là c’était différent. Je leur accordais rarement une autre pensée passé le moment où je les admirais car elles n’avaient pas d’importance. Avec la fille aux carrés, je m’étais posé des questions sur elle, ce qui était en soi une marque d’attention.

J’étais un vrai solitaire, et c’était donc inhabituel pour moi. Je ne pouvais pas exactement dire que je n’aimais pas les gens en général, même si leur comportement de groupe laissait souvent à désirer ; mais je me lassais remarquablement vite. Evidemment, cela était en partie dû au fait que retenir mon attention était un défi de tous les instants mais ce n’était sûrement pas la seule explication.

Il en fallait beaucoup pour m’intéresser, si les personnes à qui je parlais n’étaient pas exceptionnelles, je m’ennuyais et je coupais court à la discussion. Voilà pourquoi j’étais classé comme le loser malpoli.

Ce comportement ne m’aidait pas socialement et à cause de mon attitude, beaucoup pensaient que j’étais un stoner. Preuve de la fermeture d’esprit de ceux dont les préjugés leur cachent la vue. Je mettais un point d’honneur à avoir un corps sain en faisant du sport, mangeant équilibré et en ne prenant aucune substance nocive à part les cigarettes dont je n’arrivais pas à me séparer.

Mais je n’avais rien à prouver à personne, pas même à moi-même ; voilà pourquoi je ne faisais jamais l’effort de les détromper. Si la jolie blonde levait les yeux suffisamment longtemps pour me jauger, je me demandais pourtant si elle y verrait le même jeune paumé et sans avenir que les autres…

Elle, elle m’avait semblé si perdue. Le monde était contre elle et elle n’avait rien d’une guerrière, ne savait pas comment gagner une bataille. Sous d’autres circonstances, j’aurais pu être un soldat. En l’état, je n’avais jamais eu aucune motivation à part celle de me divertir. Les conflits m’amusaient cinq minutes. Les régler était encore plus satisfaisant.

Ça ne demandait pas beaucoup d’investissement en général et si j’empirais la situation, au moins j’avais un impact, je déclenchais quelque chose qui pouvait me donner une raison de me battre. Je n’avais pas vraiment de but dans la vie, pas de direction à suivre. C’est peut-être une raison de plus qui faisait que je cherchais la fille du regard…

Je me rendis compte que je le faisais depuis plusieurs minutes sans même le réaliser lorsque je la remarquai finalement dans la cour de l’école primaire adjacente. Elle avait dû arriver avant moi… il était aussi possible qu’elle se soit faufilée parmi la foule sans être détectée. Quelle que soit l’explication, elle était incroyablement discrète.

Je m’approchai pour essayer de comprendre ce qu’elle faisait là, dans un endroit où elle était déplacée. Elle ne l’était pas plus qu’hier, remarque. Elle aurait dû appartenir là où elle avait été mais s’était trouvée rejetée. Peut-être que ce n’était pas le cas pour le lieu où elle n’aurait pas dû se trouver…

Tout Ce Qui CompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant