Melody me rejoint au restaurant que je lui avais indiqué à vélo, pédalant plus rapidement une fois qu’elle se rendit compte que je l’attendais devant. Elle n’avait pas besoin de le faire, AC/DC et une cigarette accompagnaient ma solitude, rendant cette attente agréable. Et puis, j’étais arrivé en avance en connaissance de cause, sachant que Melody se montrait toujours des plus ponctuelles.
J’ôtai mes écouteurs et écrasai ma clope avant qu’elle ne gare son vélo. Je la complimentai ensuite sur sa tenue. Sa robe blanche était simple, ce qui permettait de la mettre en valeur, elle, et non ce qu’elle portait vu que ça ne détournait pas l’attention. Une hôtesse nous dirigea jusqu’à une des tables proches de la cuisine, dont personne ne semblait vouloir malgré le fait que la majorité des sièges soient occupés, ne laissant plus énormément de choix.
Ça allait dans mon sens car je préférais être tranquille, et là, nous le serions. Après avoir retiré sa veste en jean, mon amie aux hautes pommettes parcourut la carte en diagonale, avec une rapidité impressionnante. Je m’étais attendu à une intensive dissection de tous les choix possibles, preuve que j’avais encore beaucoup à apprendre sur elle avant de pouvoir la cerner.
Le serveur apparut et Melody lui donna sa commande. Je fus à nouveau surpris ; elle avait choisi une entrée et n’ajoutait rien, pas de plat même après que j’ai donné le mien ; pensant qu’elle n’osait pas tant que je n’y étais pas passé. Je lui demandai confirmation et elle réitéra son choix. Ma subtilité n’avait pas suffi pour l’entraîner à demander plus.
Il fallait donc que je vocalise le problème pour avoir une chance de le régler. Je ne voulais pas la forcer mais je refusais qu’elle se prive pour une raison grotesque. J’attendis que le serveur soit reparti pour ne pas l’afficher devant lui. Je me penchai vers elle pour être discret au cas où elle ne voudrait pas que sa réponse soit entendue.
« Tu sais Melody, si c’est une question d’argent, ce n’est pas un problème. J’avais prévu de t’inviter, je peux te prendre le menu que tu veux. » J’essayais de la tranquilliser mais elle m’assura « C’est gentil de ta part, mais ce n’est pas ça. » sans pour autant ajouter plus de précisions. Je ne voulais pas trop lui en demander trop vite pour ne pas la faire fuir ; je ne la poussai pas à me confier ses raisons.
Une fois que les assiettes arrivèrent, la sienne me sembla encore plus minuscule face à la mienne. J’avais toujours été un gros mangeur, comme tous les pseudos athlètes. Je ne m’interdisais que certaines choses question nourriture, estimant que les centaines de calories que je brûlais en courant matin et soir méritaient compensation. En tous cas, même sans les comparer, sa portion me semblait trop maigre pour être saine.
En second recours, je lui proposai de piocher dans mon plat pour qu’elle n’ait pas trop faim. Elle me déclara simplement « Je ne peux pas. » avant de soupirer et de finalement s’étendre sur le sujet à contrecœur pour ne pas me laisser dans l’incertitude, me donnant une pièce de plus pour construire puzzle qu’elle représentait.
« Ça me contrarie quand deux plats différents se touchent, même si ce n’est que la viande et l’accompagnement. Du coup, soit je mange un truc par assiette soit il faut qu’ils soient clairement séparés par une délimitation, une zone vide par exemple. »
Je réfléchis à son explication et trouvai une solution simple. Je ne savais pas pourquoi elle ne l’avait pas fait elle-même ; pour l’instant il suffisait de contourner le problème et c’était plutôt aisé. Elle n’aurait pas dû se résoudre à un compromis qui la défavorisait avec tant de déséquilibre. Peut-être n’avait-elle pas l’habitude qu’on s’adapte à ses besoins, mais au restaurant, le client est roi.
« Tu aurais dû me le dire, j’aurais pu m’en occuper avant, mais ne t’inquiètes pas, je vais régler ça. » Je ne voulais pas la mettre dans l’embarras ou faire une montagne de ce petit malaise mais il fallait qu’elle sache que je pouvais l’aider si elle osait simplement évoquer ce que je devais solutionner. J’étais certain que nous ferions une équipe du tonnerre.
VOUS LISEZ
Tout Ce Qui Compte
RomanceLes gens se désintéressent très rapidement de ce qu'ils ne comprennent pas ; et personne ne comprend Melody. Melody et Hayden sont deux lycéens un peu en marge. Ils traversent leur quotidien chacun de leur côté jusqu'à ce qu'un incident les mettent...