23 - Melody

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A chaque fois que Hayden arrivait suffisamment tôt, ce qui restait relativement exceptionnel, il exécutait mon rituel matinal avec moi avant même de m’adresser la parole. Il était souvent encore tout endormi et devait se concentrer sur ses taches pour ne commettre aucune erreur. Il était si mignon dans ces moments-là…

Une fois, lors de notre parcours sur la marelle, j’étais si proche de la ligne d’arrivée que je m’étais autorisée à jeter un coup d’œil derrière moi pour voir à quel point il en était. Ce n’était pas naturel et je n’aurais introduit cet élément perturbateur dans ma routine réglée comme du papier à musique pour personne d’autre.

Hayden avait les yeux baissés afin de s’assurer qu’il posait bien ses pieds pile sur les lignes tracées au sol. D’un air absent, il piégeait fermement sa langue entre ses dents, comme pour l’empêcher de le distraire. Cette image adorable resterait gravée dans ma mémoire et si j’avais pu, j’aurais assouvi mon envie irrésistible de le prendre en photo pour immortaliser cet instant.

Malgré l’attendrissement qu’il provoquait constamment chez moi, malgré les mots doux que nous échangions, les contacts tendres que nous partagions et nos attentions particulières envers l’autre, Hayden et moi n’étions pas ensemble.

Le fait que notre relation n’ait pas prit de tournant amoureux était selon moi dû au fait que bien que nous ayons révélé une tranche de vie conséquente à l’autre, nous n’osions pas encore nous mettre à nu.

Il restait certaines parts d’ombre obscurcissant mes secrets les plus enfouis et Hayden avait un mal incroyable à voir l’intérêt de se raconter alors que personnellement, je souhaitais plus que tout apprendre à le connaître comme il l’avait fait avec moi. Les fois où il avait volontairement partagé un récit personnel et non pas une information que j’avais glanée se comptaient sur les doigts de la main. Quatre, exactement.

Je n’avais pas fait autant de progrès avec lui qu’il en avait fait avec moi. Je tentais de ne pas laisser l’impression d’être inadéquate m’envahir. Il n’était certes pas aussi ouvert qu’il aurait pu l’être mais il ne se dévalorisait plus autant et ne se donnait plus du mal pour se camoufler derrière un masque d’indifférence qui lui collait un peu trop à la peau.

C’était cette absence de lien de couple nous unissant qui m’aida à convaincre Max de revenir pour partager un repas avec nous. Elle n’était pas partie loin mais la distance qui s’était créée entre nous ne me plaisait pas car elle s’apparentait tout de même à un déménagement.

Elle était ma meilleure amie, celle avec qui je voulais partager mon quotidien dans le meilleur comme dans le pire. Je lui expliquai qu’elle ne serait pas considérée comme la troisième roue du carrosse, et il semblerait que cette possibilité ait effectivement contribué à la freiner.

Le concept de compartimenter ses amitiés est beaucoup moins séduisant lorsqu’on n'a que quelques amis. Si jamais cette idée m’était venue à l’esprit et que j’avais voulu faire en sorte de ne pas passer du temps avec Hayden et Max en même temps, elle m’aurait quittée depuis longtemps vu que j’avais envie et besoin de les voir presque autant l’un que l’autre.

Je dus explicitement interdire à la grande brune de faire subir un interrogatoire à mon allié comme je sentais qu’elle planifiait de le faire. Dans son esprit, c’était sans doute une pensée hilarante mais je savais que Hayden n’apprécierait pas d’être investigué de la sorte. Je comprenais aussi d’où ce souhait lui venait, donc je ne pouvais pas le blâmer.

Me voir tisser des liens avec quelqu’un d’autre qu’elle était exceptionnel. Pour autant, je refusais qu’elle lui donne la sensation d’être une bête de foire, même si cela aurait terriblement amusé mon amie... De faire en sorte que nous ne sachions plus où nous mettre face à l’embarras qu’elle causait. Max n’était pas un tyran mais elle pouvait se montrer redoutablement railleuse dans les pires moments.

Tout Ce Qui CompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant