C’était maintenant la troisième fois que le jeune homme brun fixait son attention, ou au minimum son regard, sur moi. Je suspectais que ça avait été lui depuis le premier jour où j’avais senti la pression d’une présence étant donné que ça avait commencé après notre rencontre. Je ne prétendais pas comprendre ses raisons mais je lui faisais à présent suffisamment confiance pour ne pas être trop gênée de me sentir observée.
Je ne le soupçonnais plus d’avoir un mobile étrange motivant ses actions, ou en tout cas, pas un qui soit sinistre. Après tout, il ne m’avait rien fait jusqu’ici, par conséquent les probabilités qu’il n’allait rien faire augmentaient avec chaque moment. J’avais bien conscience que personne n’était aussi prévisible que moi, mais tout le monde avait quand même une tendance à agir d’une certaine façon et à s’y tenir.
Aussi, je le laissai faire sa petite expérience sans trop me méfier. S’il voulait en rire ce soir avec ses copains, je ne pourrais pas l’en empêcher et ça ne me travaillerait pas plus que ça. J’estimais le nombre de camarades qui en faisaient autant plus ou moins régulièrement entre 60 et 65%. Tant que ça ne me touchait pas directement, je ne me sentais pas menacée.
Malgré ça, je continuais mes tours complets pour tourner à droite ou à gauche car cela me permettait de m’assurer de l’absence d’un quelconque danger. Pas forcément venant du brun, j’étudiais tout mon champ de vision à chaque rotation. C’était le seul de mes TOCs sur lequel je pouvais coller une étiquette explicative raisonnable avec un ancrage dans la réalité, même si ma manière de l’exécuter était beaucoup moins censée selon Max.
Cette méthode fonctionnait pour moi et je n’avais pas la moindre intention de l’abandonner. J’avais essayé une fois, pour lui faire plaisir et lui montrer que je pouvais être aussi normale qu’elle en essayant très fort mais cette démonstration était vite tombée à l’eau. Chaque bruit m’avait fait sursauter et j’avais quand même tourné la tête de tous les côtés à chaque pas, inspectant en particulier derrière mon épaule.
Cette tentative l’avait fait rire. Elle s’était exclamée que j’avais été encore moins discrète qu’avec mes pirouettes, et depuis, elle ne m’avait plus fait de remarque à ce sujet pour que j’arrête, elle avait fini par s’habituer. De toute façon, on avait rapidement découvert qu’il m’était impossible d’oublier ne serait-ce qu’un de mes rituels, ou tout perdait son équilibre, comme une pile de livres un peu trop haute et précaire.
Une fois qu’ils faisaient partie de moi, ils s’ajoutaient à la montagne que les autres formaient déjà et je ne pouvais plus les relâcher. Celui-ci était tout particulièrement important bien que légèrement handicapant, je l’avoue. Surtout pour les autres, pour le garçon par exemple… moi il ne me faisait rien de mal, agissant comme une sorte de doudou réconfortant.
Mes manies n’avaient rien d’un jeu. Si elle ne m’était pas essentielles, je ne m’y accrocherais pas avec autant de poigne, et cela, il dut le percevoir bien vite vu ma hargne et ma précision. J’étais hantée par quelque chose dont j’étais incapable de me souvenir, c’était ce qui me poussait à agir de la sorte. Lui n’avait pas cette motivation, ni ma résistance. Il ne pouvait pas tenir la distance.
Lorsque je le vis en difficulté, j’allai instinctivement vers lui pour le soutenir avant qu’il ne tombe. C’était la première fois depuis ce jour que j’avais ce courage avec un inconnu. Pourtant, je ne voyais pas ce geste comme une folie, sinon je ne l’aurais pas fait. J’avais envisagé cette éventualité au préalable et m’étais distancée pour réfléchir à l’attitude à adopter.
En l’occurrence, mon implication avait été inévitable, je n’aurais pas pu y couper car c’étaient mes actions qui l’affectaient de la sorte et je ne voulais pas indisposer les autres. Je travaillais sur moi pour ne pas être ce genre de personne. Le jeune homme n’avait jamais eu un geste ou une parole blessante à mon encontre, pour autant que je sache, alors même si c’était de façon minime, je ne voulais pas lui faire du mal.
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Tout Ce Qui Compte
RomanceLes gens se désintéressent très rapidement de ce qu'ils ne comprennent pas ; et personne ne comprend Melody. Melody et Hayden sont deux lycéens un peu en marge. Ils traversent leur quotidien chacun de leur côté jusqu'à ce qu'un incident les mettent...