Mon travail terminé, j'éteignis mon ordinateur portable et m'étirai en baillant à m'en décrocher la mâchoire. Cette dissertation de philosophie m'avait épuisé à tel point que j'avais cru ne jamais en venir à bout. Il n'avait vraiment pas idée Aristote d'inventer des trucs tordus comme ça ! Aussi, las, je décidai de m'octroyer une petite pause. Je frottai mes yeux rougis et contemplai l'image que me renvoyait l'écran noir de mon ordinateur. Je n'étais pas très joli à voir avec mes cheveux ailes de corbeau en bataille et mes yeux cernés. Mes yeux. La première fois qu'on les voyait, cela faisait un choc ; après, on s'habituait. Il fallait bien reconnaître que peu de personnes étaient accoutumées à croiser le regard de quelqu'un doté d'un œil noisette et d'un autre d'un rouge profond. En fait, c'était une de mes deux idiotes de tâches de naissance qui n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'investir mon iris droit, le colorant d'un sympathique rouge sang... Remarque : l'autre n'avait pas fait mieux. En forme de croissant de lune, elle était allée se ficher en plein milieu de mon front ! Franchement, bravo ! (essayez donc de faire craquer les filles avec une tête pareille). Ajoutez à cela mes traits tirés par le manque de sommeil et la pâleur naturelle de mon teint accentuée parla fatigue, et vous obtiendrez l'espèce de zombie que j'avais devant moi !
Je voulus reculer ma chaise d'un cran mais buttai contre le pied de mon lit. Je me laissai aller contre le dossier en poussant un soupir agacé. Bon sang ! Ce qu'elle pouvait être minuscule cette chambre ! Elle n'était meublée que de deux lits une place, d'une toute petite étagère et d'un bureau microscopique et on arrivait tout de même à s'y sentir à l'étroit. Déjà qu'à un on avait du mal à y tenir, alors à deux, avec Quentin, c'était carrément l'horreur ! En plus il était insupportable avec ses remarques incessantes sur ma frêle musculature. Lui c'était plutôt le genre tout dans les muscles, rien dans le cerveau ! (enfin autant que c'était possible pour un surdoué). Coup de chance, cette année, il n'était pas dans ma classe et nous n'avions donc pas permanence aux mêmes heures, sinon le petit bout de table qui nous servait de bureau n'aurait jamais été assez grand ! Pas parce qu'on aurait fait nos leçons tous les deux en même temps (il ne les faisait jamais) mais parce que son ordi gamer de geek prenait toute la place !
Je regardais ma montre : il était déjà 16 h 07 ! Si ça continuait comme ça j'allais finir pas être en retard à mon cours d'informatique. Je m'ébrouai et rangeai vivement mon ordinateur portable dans sa sacoche, avant de la passer en bandoulière autour de mon cou. Puis je m'élançai à toute allure dans les couloirs.
« Cours Forest ! » me lancèrent méchamment une bande de crétins de terminale. Sous prétexte qu'ils étaient les plus grands, ils se croyaient les plus intelligents !
Je ne pris même pas la peine de leur répondre ou ne serait-ce que de leur adresser un regard, trop occupé que j'étais à me traiter d'imbécile. J'avais oublié de regarder l'heure et maintenant j'allais rater le début de mon cours préféré ! (le seul qui me plaisait vraiment en fait). Et puis, de toute façon, j'avais l'habitude de ces grandes andouilles avec leurs incessantes moqueries. J'en étais même venu à me demander ce qu'ils fichaient dans un établissement pour surdoués, tant ils étaient bêtes. J'accélérai donc le pas, pressé de mettre le maximum de distance entre eux et moi.
Cinq ans avaient passé depuis que j'avais été admis dans cette école. Cinq années au cours desquelles ma vie n'avait pas toujours été de tout repos. J'avais désormais treize ans, bientôt quatorze, et entamai mon année de terminale, ici, au très prestigieux « Complexe Éducatif Albert Einstein » (pas très original comme nom si vous voulez mon avis) comprenant l'équivalent d'une école primaire, un collège et un lycée plus une école supérieure exclusivement réservés aux surdoués. En fait la totalité des cours, que ce soient ceux des plus jeunes comme des plus vieux, étaient dispensés au même endroit. Par conséquent, on croisait invariablement dans les couloirs des gamins de cinq ans et des adolescents de dix-huit ans. Cette année-là, le baccalauréat et après l'université, vous ne pouvez pas savoir à quel point j'étais pressé de me tirer d'ici !
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GENIUS - Tome 1 : Trahisons
ParanormalMathis Menson, un jeune surdoué de treize ans méprisé par ses camarades de classe et délaissé par ses parents, s'ennuie à mourir dans le pensionnat pour enfants précoces où il vit depuis ses huit ans. Sa seule distraction : le piratage informatique...