Chapitre 11

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J'avalai d'une traite mon cinquième verre de limonade et posai le front sur la grande table ovale de la petite cuisine dans laquelle nous nous trouvions, dans l'espoir de me rafraîchir les idées. Je me redressai, passai une main sur mon visage et rouvris les yeux. A part Jérémy, qui semblait s'en moquer royalement, et Sarah qui me regardait toujours d'un œil mauvais, tous les autres étaient pendus à mes lèvres, dans l'attente d'une réponse de ma part.

- Bon, résumons. Je voudrais être sûr d'avoir bien compris. En gros, il existe des surdoués, des gens capables de faire des trucs de dingues rien qu'avec leur esprit. Ces génies sont divisés en deux catégories : les « bons », ou Nadarens, qui veulent mettre leurs pouvoirs au service du plus grand nombre et les mauvais, les PsyKors, qui veulent réduire en esclavage le reste de la population, qu'ils considèrent comme inférieur. Et pour ce faire, ils prennent le contrôle de nombreuses personnes et les forcent à commettre d'horrible crime dans l'espoir de mettre le monde à feu et à sang. Vous, vous faites partie d'une vaste organisation de Nadarens qui ont des détachements dans chaque région pour veiller à la sécurité et lutter contre une organisation de PsyKors qui œuvrent dans le coin. Et vous, M. Manéchal, ou Le Chaman, chef de ce groupe-ci, vous travaillez au collège pour repérer des gens comme moi et en apprendre davantage sur le réseau de PsyKors, dont le chef appelé Le Masque Noir, serait le directeur. (cela expliquait beaucoup de choses, comme le fait qu'il soit méchant avec tout le monde, ai pour passion dans la vie de tout contrôler et déteste M. Manéchal) En même temps vous tâchez de protéger les élèves de sa néfaste influence. Ok, jusque-là, ça va. Mais où est le rapport avec le darknet ?

- Tu l'as dit toi-même, les PsyKors forcent les gens à commettre de mauvaises actions et c'est par le darknet que l'on peut repérer le plus de brigands. C'est à ce moment-là que Thomas et moi intervenons. On catalogue les criminels suspects, ceux susceptibles d'agir sous la contrainte et on les localise. Par exemple, un trafiquant de drogue se met à vendre des armes d'un coup, on trouve son entrepôt de stockage et on envoie une équipe pour neutraliser les gens là-bas. C'est ça la mission dont tu nous as entendu parler tout à l'heure. Le souci c'est que nous n'avons pas affaire à des crétins mais à des surdoués, comme nous, alors forcément ça nécessite de l'organisation et Sarah et Jérémy ont parfois besoin d'un coup de main, d'où l'utilité des différents gadgets que nous fabriquons, m'expliqua Timothée.

- J'ai compris. Mais en quoi avez-vous besoin de moi ?

- On pense que Le Masque Noir prépare un gros coup et qu'il a trouvé le moyen de prendre possession de dizaines de cerveaux en même temps. Depuis le départ, c'est l'objectif principal des Psykors. Globalement nous sommes beaucoup plus puissants qu'eux. Mais la force ne vaut rien, comparée au nombre. Il espère donc parvenir à créer une immense armée pour nous écraser. Dans l'immédiat, nous n'avons pas besoin de ton aide mais, on aimerait que tu commences ton entraînement dès maintenant, pour que tu sois prêt à intervenir le moment venu, répondit M. Manéchal d'un ton grave.

Je pris une grande inspiration et déclarai :

- J'accepte. Mais je veux la garantie que le directeur ne me fera plus aucun mal.

- Ne t'en fais pas. L'autre jour, il voulait seulement tester ta puissance et vérifier si tu savais quelque chose. Dans l'immédiat, il pense que non et ne te voit plus comme un danger potentiel. Cependant, d'après ce que tu nous as raconté, il semble qu'il se méfie tout de même de toi car il a eu l'occasion de mesurer l'étendue de ton pouvoir. Mais n'y pense plus. Pour l'heure, maintenant que tu fais officiellement partie de l'équipe, j'ai un petit quelque chose à te montrer, me rassura M. Manéchal.

- Oh non ! Pas encore ! J'ai eu ma dose de trucs fous pour aujourd'hui.

- Simon n'est pas fou, seulement profondément dérangé. En plus il va t'adorer.

- Simon ? demandai-je. Qui cela pouvait-il bien être ?

- Système Intelligent de Maintenance de l'Organisation Nadarens. S.I.M.O.N,Simon.

- Ah...

- C'est lui qui s'occupe de tout ici, du rangement du matériel, en passant par la réparation du local et la gestion de l'information jusqu'au fonctionnement du bouclier de protection... A l'entrée de chaque pièce il y a une tablette accrochée au mur, des caméras dans chaque couloir et des bras mécaniques dans les moindres recoins. Autant dire qu'il a des yeux et des oreilles partout !

- Et sa tête ?

- Toujours aussi malin, mon petit Mathis, à ce que je vois, fit M.Manéchal. Et à travers son sourire et ses yeux bleus pétillants de bienveillance et de malice, je retrouvais un instant le prof que je connaissais bien.

Il m'attrapa par l'épaule pour me faire traverser le couloir en direction de l'armurerie et posa sa main à plat sur le mur. Une empreinte bleu électrique apparut un court instant. Un petit morceau de pierre coulissa, laissant voir un pavé numérique. Le Chaman tapa le code et un autre bout de mur, un pan entier cette fois, coulissa pour dévoiler un gigantesque écran d'ordinateur vert clair, cerclé de gris et de blanc avec des boutons jaunes, rouges et bleus. Il appuya sur un gros bouton rouge et des antennes-ressorts orange à bout sphérique jaillirent du haut de l'écran, tournèrent plusieurs fois sur elles-mêmes et se mirent à clignoter. Deux yeux fermés et une bouche souriante pixelisés apparurent sur l'écran. Y avait pas à dire, c'était la classe !

- Bon-jour Maî-tre Cha-man, le salua Simon de sa voix de robot, en découpant bien les syllabes.

- Bonjour Simon. Je voudrais te présenter quelqu'un. Voici Mathis.

- Bon-jour Maî-tre Ma-ti.

- Bon-jour. Euh... je veux dire, Bonjour Simon. Mais Mathissse tout court ça ira, répondis-je, en insistant bien sur le «s» à la fin de mon prénom. Désolé pour la baie vitrée, au fait, tu as été obligé de la réparer par ma faute.

- Ça pas êt-re gra-ve. Si-mon bien ai-mer, Maî-tre Ma-ti. Ma-ti a-voir tê-te ri-go-lo et fai-re cho-ses bê-tes. Si-mon trou-ver drô-les cho-ses bê-tes. Ai-mer quand Ma-ti fai-re feu a-vec lun-ettes.

- Sympa le robot, commentai-je, vexé.

- Me-rci.

- T'as de la chance que cet imbécile ne comprenne pas l'ironie, sinon il se serait mis en colère, me murmura Thomas à l'oreille.

Aussitôt des bras mécaniques jaillirent et encerclèrent les chevilles du garçon. En quelques instants il se retrouva suspendu dans le vide par les pieds.

- Si-mon pas aimer To-my. To-my mé-chant.

- Oh oui ! renchéris-je en hochant ostensiblement la tête, Tomy très méchant même.

- Ma-ti rai-son. Si-mon se-cou-er plus fort To-my pour fai-re plai-sir Ma-ti.

- Stop ! ordonna Le Chaman.

Et il éteignit l'ordinateur. Tom s'écrasa violemment par terre quand les bras retombèrent. Tandis qu'il se massait le coccyx, j'éclatai de rire. C'était de bonne guerre. Il m'avait quand même assommé après tout.

- Il est malheureusement à peine au point. Oh ! Tu as vu l'heure qu'il est. Il est temps que je te raccompagne au collège. Mais avant je voudrais te donner ce téléphone portable pour que nous puissions te joindre en cas de besoin. C'est aussi pour me faire pardonner pour cette histoire de rendez-vous en forêt et tout le reste. J'avais prévu de te parler moi-même de notre organisation. Mais ta découverte du darknet a un peu précipité les choses. Simon est programmé pour envoyer le message que tu as reçu à tous ceux qui consultent le darknet et sont susceptibles de nous rejoindre. C'est notre méthode de recrutement habituel, on ne peut normalement pas montrer notre Q.G à ces gens avant qu'ils ne fassent partie intégrante de l'équipe, alors on les invite en forêt. Mais cette saleté de machine ne m'a pas mise au courant de ta venue ce soir-là et, quand j'ai senti ta présence dans la forêt, j'ai paniqué. Je t'ai pris pour un espion des PsyKors, j'ai donc demandé aux jumeaux de t'appréhender. Quand je t'ai reconnu il était déjà trop tard, nous t'avions effrayé. Et après coup nous n'avions plus d'autres choix que de t'amener ici de force et de te montrer nos locaux.

- Ce n'est pas grave. Merci pour le téléphone.

Et c'est ainsi que s'acheva la plus étrange journée de toute ma vie.

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant