Le grand jour était enfin arrivé : j'allais affronter Sarah en duel. Étais-je terrorisé, effrayé, intimidé ? Ça aurait été peu de le dire. Je me sentais surtout fatigué, éreinté. Depuis deux semaines environ, je dormais mal. C'était sûrement en partie à cause de la perspective d'affronter la terrifiante sœur des jumeaux, et en partie à cause de mes courbatures. Mais il n'y avait pas que cela. Partout dans l'internat, le syndrome de somnambulisme qui avait commencé à sévir un mois plus tôt se multipliait. Ainsi, à toute heure de la nuit, retentissaient dans les couloirs les pas des zombies nocturnes et les cris de leurs camarades de chambrée, réveillés en sursaut en plein milieu de leur sommeil. Et moi, par l'intermédiaire de Quentin, je n'étais nullement épargné. Chaque matin, au petit déjeuner, la conversation s'enflammait et les rumeurs allaient bon train : l'épidémie avait fait de nouvelles victimes. Qui ayant vu son voisin faire le cochon pendu, les pieds accrochés aux barres du lit superposé, qui s'étant réveillé en plein milieu du couloir sans savoir par quels mystères il s'y était retrouvé... C'était à en devenir fou ! Mais le plus inquiétant c'était ceux, et ils étaient nombreux vous pouvez me croire, qui tentaient d'attirer leurs amis au-dehors en murmurant inlassablement « Oui maître, à vos ordres maître » comme une litanie de morts-vivants venus des profondeurs de la Terre. Bien sûr, certains avaient essayé d'en parler aux surveillants, mais chaque fois, ils se faisaient renvoyer pour une raison ou une autre. Alors, au bout d'un moment, pensant qu'on allait les prendre au mieux pour des insolents, au pire pour des fous, tous les élèves s'étaient murés dans le silence. Mais moi, je pensais, ou plutôt, j'étais certain, que le problème venait de plus haut, du directeur,par exemple. Et plusieurs fois, aux alentours de minuit, au milieu de la pagaille générale, j'avais vu disparaître dans la nuit les phares d'une Range Rover noire, la sienne, sans aucun doute.
Enfin, n'y pensons plus. C'est pas tout, mais j'ai un duel à gagner, moi !
Dans la salle d'entraînement, la tension était palpable. Face à face,en chiens de faïence, Sarah et moi ne nous quittions pas du regard, le sien brûlant d'animosité et de détermination, le mien angoissé et hésitant. Il faut dire que bras croisés, bien campée sur ses deux jambes, le menton droit, les sourcils froncés, elle dégageait une impression de force et d'inébranlable confiance en elle. Quant à moi, tremblant et gigotant d'un pied sur l'autre, j'avais surtout l'air... d'une vraie poule mouillée ! Nerveux, je ne cessai de passer ma main dans ma tignasse noire en bataille, agitant les bras, les jambes, pliant les genoux, passant ma main sur mon front, mon nez, mes oreilles comme pour vérifier que tout était bien là. Je clignai de l'œil droit, le rouge, du gauche, le brun, pour savourer encore un peu la sensation de mobilité dans tout mon corps. Je n'étais pas dupe. Je savais bien qu'après ce combat, il me serait plus difficile de lever, ne serait-ce que mon petit doigt, pendant, au mieux, quelques jours, au pire, plusieurs semaines.
- Courage ! me souffla Timothée, une main posée sur mon épaule droite.
Courage ! Une chose est sûre, j'allais en avoir besoin !
Je tournai la tête vers mon ami, en quête de réconfort, mais il avait déjà les yeux rivés à l'autre bout de la salle où son frère jumeau bondissait dans tous les sens en agitant les bras, pour que leur jeune sœur voit bien qu'il était là à l'encourager. À ce moment-là, je sais ce que vous pensez : « mais ils sont dingues ou quoi ! On sait tous que pour Mathis c'est foutu et que c'est Sarah qui va gagner. Elle n'a pas besoin d'encouragements. » Et vous avez raison.
Mais il serait dommage que vous vous fourvoyiez sur les intentions respectives des jumeaux. C'est pourquoi je vais vous rapporter la conversation qu'ils ont eu la veille à ce propos, peu après avoir observé les maigres progrès que j'étais parvenu à faire sous la tutelle de Jérémy, et une fois qu'ils furent totalement sûrs que je n'avais aucune chance de l'emporter contre Sarah (autant dire qu'ils furent vite fixés) :
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GENIUS - Tome 1 : Trahisons
FantastiqueMathis Menson, un jeune surdoué de treize ans méprisé par ses camarades de classe et délaissé par ses parents, s'ennuie à mourir dans le pensionnat pour enfants précoces où il vit depuis ses huit ans. Sa seule distraction : le piratage informatique...