Chapitre 5

72 12 2
                                    

Le lendemain matin, lorsque le surveillant vint tambouriner violemment à la porte de notre chambre pour nous réveiller, Quentin et moi-même, j'émergeai lentement et fastidieusement du sommeil. J'avais les paupières lourdes, les traits tirés et mes yeux se fermaient tout seuls. Je n'avais qu'une envie : me rendormir aussi sec ! Mais, même ça, j'étais trop épuisé pour le faire. Je me levai donc péniblement et commençai à m'habiller. J'enfilai machinalement mes vêtements, l'esprit totalement embrumé. Je n'arrivais pas à formuler une idée cohérente et perdais sans cesse le fil de mes pensées. J'étais bien incapable de me rappeler quoi que ce soit de la nuit passée et, la seule chose dont j'étais à peu près sûr, c'était que je m'étais endormi très tard. Je me rinçai le visage à l'eau froide pour chasser le brouillard qui recouvrait mon cerveau. Mais rien à faire, la fatigue persistait. C'est donc dans cet état second, qu'essuyant mes yeux larmoyants, je descendis au réfectoire prendre mon petit-déjeuner. Le bruit et l'agitation qui y régnaient eurent raison du peu d'énergie qui me restait et c'est complètement hagard que j'allais m'asseoir seul à une table pour siroter mon cacao. Si je n'avais pas été aussi fatigué, peut-être aurais-je accordé plus d'attention à la conversation de mes voisins de derrière qui, internes eux aussi, avaient vu leurs camarades de chambré devenir subitement somnambule et se lever en plein milieu de la nuit. Si j'avais été en état de réfléchir ce matin-là, cette histoire ne se serait pas déroulée ainsi. Mais ce qui est fait, est fait ! Ne revenons pas sur nos erreurs passées.

Je passai les deux premières heures de la matinée en mode zombie, si bien qu'à l'intercours de dix heures trente, en me rendant à la bibliothèque pour un devoir d'histoire particulièrement difficile, j'oubliai (volontairement) de m'arrêter pour écouter les consignes de sécurité et de bonne tenue. Erreur, on ne peut plus fatale. Une petite surveillante replète se précipita vers moi en hurlant comme une furie, son visage bouffi déformé par la colère :

- M. Menson ! Il faut s'arrêter et écouter, c'est la loi ! Seriez-vous prétentieux au point de vous croire au-dessus de la loi ?

- Non m'dame, lâchai-je, exaspéré au plus haut point.

La loi ! On était dans un lycée bon sang, pas aux assises ! Ici on respectait des consignes à la limite, mais la loi ! Pfff !

- Je vous préviens, je note ! C'est la deuxième fois ce mois-ci ! Et, joignant le geste à la parole, elle tira de sa poche un petit carnet dans lequel elle inscrivit : Mathis Menson, TaleD, deux infractions au code de bonne conduite, adjoint d'un refus d'écouter les consignes.

Je haussai les épaules avant de m'exclamer :

- Infraction ! De mieux en mieux !

- Oh ! Et insolent en plus de cela ! Petit crétin ! cracha-t-elle.

- Je vous défends de m'insulter !

- Quoi ? Mais je n'ai rien dit ! s'offusqua la surveillante, surprise. Pensé à la limite mais... Puis pour se redonner une contenance : Oh, et j'allais oublier ; Vous êtes attendu dans le bureau de M. Francks à midi quarante-cinq. Sur ces mots, elle prit congé, ses petits yeux perçants brillant de méchanceté.

« Mais elle est folle ou quoi ?! Je suis sûr à mille pour cent de l'avoir entendu me traiter de crétin. », pensai-je. Puis « Oh non ! Pas dans le bureau de M. Francks ! »

Monsieur Francks n'était autre que le tyrannique directeur de l'établissement dans lequel je me trouvais. Je ne lui avais adressé la parole qu'une seule fois, le jour de mon admission à l'école, près de cinq ans plus tôt, et cela m'avait largement suffi. Grand, de larges épaules, les cheveux gris coupés très courts et de petits yeux noirs et cruels, le proviseur n'avait rien de rassurant. Son ton mielleux et ses pommettes osseuses, qui faisaient ressortir son sourire sadique, achevaient de le rendre terrifiant aux yeux de quiconque le rencontrait. Et dire qu'il me faudrait aller l'affronter directement dans son bureau ! Peu de gens s'en étaient sortis sans y laisser une plume.

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant