Chapitre 17

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C'est ainsi que je me retrouvai le vendredi matin suivant devant la salle informatique du bâtiment C. J'avais un peu d'avance mais si la pression d'un éventuel retard avait elle aussi sévi sur mes pauvres épaules, je crois que je me serais écroulé. Je me tenais appuyé dos au mur quand je sentis ma poche vibrer. J'étais tellement stressé que je fis un bond de cinquante centimètres avant de me rappeler que j'y avais laissé mon téléphone allumé en cas d'urgence. Je l'extirpai donc de mon pantalon pour lire le message qui s'affichait sur l'écran. Il provenait d'un numéro inconnu. Dans cinq minutes à l'entrée principale. Viens seul. Sarah. J'hésitai. Par pur réflexe, je regardai partout autour de moi : personne. Ma montre indiquait 11h00, j'avais un quart d'heure devant moi. Je redressai les bretelles de mon sac à dos sur mes frêles épaules et je me dirigeai tranquillement vers l'allée centrale pour ne pas attirer l'attention. Arrivé au grand portail, je m'accoudai à la grille, essayant d'avoir l'air nonchalant. Je scrutai la masse informe des arrivants, me demandant comment j'allais bien pouvoir la repérer au milieu de la foule quand je sentis quelqu'un se glisser derrière moi.

- Pourquoi est-ce que tu te dandines comme un canard, tu veux draguer ou quoi ?

Je voulus crier mais une main vint se plaquer sur mon visage, étouffant ma plainte, tandis qu'une autre m'attirait dans l'ombre en me tirant par les lanières de mon cartable.

- Je ne suis pas une volaille ! m'écriai-je en me dégageant de l'étreinte de Sarah d'un brusque mouvement d'épaules. Elle me lâcha en pouffant.

Je m'écartai d'elle pour mieux la voir, j'étais curieux d'entendre ce qu'elle avait à me dire. Elle, bien au contraire, ne semblait pas si pressée, elle se tenait devant moi, les mains sur les hanches et un petit sourire flottant sur ses lèvres. Je la détaillai des pieds à la tête, de plus en plus méfiant à mesure que les secondes s'égrenaient. Elle portait un petit top noir sous une veste kaki un peu trop grande pour elle, un jean moulant et ses éternelles boots de cuir marron foncé à lacets jaunes. On pouvait dire qu'avec ses cheveux lâchés et ondulés qui pendaient tous du même côté, attachés avec un anneau dans un semblant de queue de cheval, elle dénotait agréablement parmi la foule de filles en uniformes et chignons serrés. Je commençai à me demander si elle n'était pas venue pour m'attirer dans un piège dont l'objectif serait que Jérémy prenne ma place à la tête de la mission.

- Détends-toi je suis pas venue pour te causer des ennuis mais pour t'aider. Tout seul, tu risques de ne pas y arriver ; à deux on sera plus fort, annonça-t-elle enfin, sûre d'elle.

Cette fois c'en était trop ! Voilà qu'elle venait avec ses grands airs et son ton condescendant pour "me protéger".

- Ta pitié tu peux te la garder ! Je ne suis pas un gamin, j'ai le même âge que toi ! Alors c'est pas parce que je suis arrivé après toi que j'ai besoin d'une mère poule.

- Non mais t'as franchement rien compris ! Je ne remets pas en doute la faculté de Monsieur à se débrouiller seul, je dis juste qu'il vaut toujours mieux assurer ses arrières. Regarde Jérémy et moi on...

- Oh oui, Jérémy et toi ! l'interrompis-je, sarcastique. C'est vrai que vous êtes l'exemple à suivre : beaux, intelligents, talentueux, incroyables combattants, prétentieux... et j'en passe, et des meilleurs ! Puisque tu l'aimes tant ton Jérémy, retournez tous les deux vous bécoter en vous fichant de ma gueule et foutez moi la paix ! En plus je ne lui fais pas confiance, il a un comportement bizarre, j'ai l'impression qu'il m'en veut à mort depuis le premier jour et je ne sais même pas pourquoi ! Si ça se trouve c'est un Psykor infiltré.

Je ne savais même pas pourquoi j'avais dit ça, la colère probablement. J'étais sur les nerfs à cause de la mission et, me rappelant les quolibets que ces deux-là m'avaient fait subir, j'avais craqué. Depuis le temps que je bouillais intérieurement. Sarah m'avait fait croire que j'étais son ami, son frère et même son confident, et puis d'un coup elle m'avait laissé tomber à cause de ce gars qui avait une mauvaise influence sur les gens. Juste au moment où je commençais à me dire que les choses s'étaient un peu arrangées entre nous. Mais voilà, cette fille me ressemblait trop, têtue et fière, elle avait cependant un atout que je ne possédais pas : la force. Jamais elle ne pleurait, jamais elle ne se laissait aller à des émotions pour les faibles. Et puis mince alors ! Pourquoi je l'aimais autant cette Sarah ?

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant