Chapitre 12

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Durant les semaines qui suivirent, ma vie fut partagée en deux : d'un côté il y avait les cours, barbants et tristes à pleurer (à part ceux d'informatique bien évidemment), de l'autre les heures fantastiques passées à la base avec les surdoués. J'y passais tout mon temps libre et je chérissais ces précieux moments qui me changeaient agréablement d'une horrible routine, installée depuis trop longtemps. La plupart du temps j'aidais les jumeaux au labo. Ainsi, nous étions parvenus, grâce à la mousse à raser bleu fluo que j'avais repérée le premier jour et qui avait rendu totalement transparente une mouche, à perfectionner la combinaison d'invisibilité. Désormais la personne qui l'enfilait ne restait pas rose bonbon pendant trois jours après l'avoir utilisée et son usage était illimité, et non restreint à trois malheureuses heures. Seul inconvénient : nous eûmes par la suite beaucoup de mal à la retrouver. Comme c'était à mon initiative que nous l'avions enduite de l'étrange mélange présent dans le bécher, j'eus le droit de donner un nom à la combinaison. Je la nommais donc l'Invisiblisa, ce qui, comme je pus le constater par la suite, plut beaucoup à Tim et Tom. A partir de ce moment le laboratoire devint officiellement mon endroit préféré dans tout l'univers (malgré le fait que tout ce que nous créions serait à jamais condamné à rester caché, nos technologies étant beaucoup trop dangereuses et développées pour être révélées au grand public) et j'aurais pu y vivre le restant de mes jours s'il n'y avait pas eu... le beurre-vampire ! En effet, depuis qu'il m'avait mordu, il avait développé un goût prononcé pour le sang et la chair humaine et avait entièrement cessé de fondre et de se reconstituer. Il était donc réduit à une vague mélasse difforme et jaunâtre... mais dangereuse ! On l'avait donc enfermé dans une cage et personne n'osait s'approcher de lui. Cependant il fallait bien quelqu'un pour lui donner à manger (à défaut de chair humaine, il avalait cru un bœuf entier par jour). Et comme, chose plus étrange encore, il semblait bien m'aimer, c'était toujours moi qui m'y collait. « bien m'aimer », le terme est un peu faible : le beurre-carnivore m'adorait ! J'étais, tout d'abord, le seul à qui il ne tentait pas d'arracher un membre à grands coups de dents pour un oui ou pour un non, ce qui, à mon humble avis, n'était déjà pas mal du tout. Mais ce n'était pas tout. Non seulement il ne tentait pas de me bouffer, mais en plus il produisait une sorte de grincement affectueux dès que je m'approchais de lui. Je mis plusieurs jours à assimiler la chose : oui, le beurre-vampire ronronnait. Je tiens absolument à le signaler, l'affection qu'il me portait n'était pas, mais alors pas du tout réciproque. Il avait beau me regarder avec ses grands yeux rouges trop mignons, je n'arrivais pas à oublier ses longues dents pointues et son corps graisseux. L'ordinateur S.I.M.O.N, que je désespérais de voir un jour prononcer correctement mon prénom, s'amusait beaucoup de cette situation.

- Ma-ti pas vou-loir voir son pe-tit beu-rri-nou-net ? Si-mon ê-tre sur que son beur-ri-nou-net man-quer beau-coup à Ma-ti, déclamait-il à travers les couloirs, deux à trois fois par jour.

Certes, la vie de Nadaren n'était pas de tout repos, mais elle ne serait jamais aussi désagréable que celle au collège : les cours, les insultes, les punitions et la solitude. Mais je sentais que les choses étaient en train de changer. Désormais je pouvais me défendre et m'affirmer. Et cela n'avait pas que peu à voir avec l'entraînement rigoureux que me faisaient subir les jumeaux. Timothée et Thomas étaient rapidement devenus mes meilleurs amis et avaient décidé de prendre en charge ma formation. Faute d'expérience, je n'avais toujours pas accès à la mystérieuse « salle d'entraînement », mais cela ne les empêchait pas de me faire subir chaque jour plusieurs heures d'exercices intensifs. Et, comme si cela ne suffisait pas, ils me contraignaient à continuer de travailler quand je me trouvais chez moi ou à l'école. Ils appelaient ça des mises en situation. En gros je devais saisir chaque occasion pour me servir de mes pouvoirs :

- Tu te débrouilles bien, me dit Tom, très impressionné. Mais tu n'es pas en conditions réelles. Je m'explique. Quand Le Chaman tente de te paralyser et que tu parviens à te libérer, tu sais pertinemment que ce n'est qu'un exercice...

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant