Chapitre 8

62 12 4
                                    

Quoi qu'il en soit, ce fut une lumière éblouissante qui me ramena à moi. Instinctivement, je levai les mains devant mon visage pour me protéger les yeux, tandis qu'une voix d'homme jeune résonnait vaguement dans mon cerveau embrumé. Tout courbaturé, je restais blotti au fin fond du coffre, à l'abri dans le noir. Bon voyons... ma cheville avait un peu désenflé, c'était toujours ça de pris ! Par contre je n'y voyais pas encore très clair. Aïe ! Cette douleur qui me ceignait le front était plus embêtante, j'avais sans doute sous-estimé l'impact qu'avait eu le coup de batte sur mon pauvre crâne. Avec prudence je tâtai l'arrière de ma tête couvert de sang séché. Ouch ! C'était une sacrée bosse que j'avais là et, sans aucun doute, un léger traumatisme crânien. Ce n'était pas l'idéal, je n'étais certes pas au mieux de ma forme mais je n'avais pas le choix, j'étais probablement arrivé au Quartier Général de mes ravisseurs et c'était ma dernière chance de m'échapper.

- Bon tu es sourd ou quoi ? Aller la Marmotte ! Il est temps de se réveiller j'ai dit !

Je levai les yeux vers la porte du coffre qui était grande ouverte - c'était d'ailleurs de là que provenait la lumière qui m'avait ébloui - et quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris, penchés sur moi, deux visages en tout point semblables. Allons bon, voilà que je mettais à voir double maintenant ! Mais ce qu'il y avait d'encore plus étrange c'était que ces deux mêmes visages arboraient une expression légèrement différente et qu'il me semblait les avoir déjà vus quelque part. Mais voilà... je n'avais aucune idée d'où ! Me prenant la tête à demain, je tentai vainement de m'en souvenir.

- Laisse tomber Tom, je te dis qu'il ne se réveillera pas avant une heure ou deux, lança brusquement une des deux têtes.

- C'est de ta faute Tim ! Tu l'as frappé trop fort ! Comment on va expliquer ça au Chaman maintenant ? Je t'avais prévenu qu'il fallait y aller mollo avec ce gosse, rétorqua l'autre, d'un ton de reproche.

Mais oui, Le Chaman ! C'étaient ses hommes de main, ceux qui m'avaient poursuivi dans la forêt. Je me rappelai avoir entrevu leurs visages quand leurs capuches avaient glissé.

Profitant de leur dispute et tentant le tout pour le tout, je jaillis du coffre en les bousculant au passage et fuis comme un dératé. J'eus juste le temps de les apercevoir, se redressant à grand peine, en hurlant et gesticulant.

- Eyh, il s'échappe ! Rattrape-le !

- Non, toi rattrape-le ! Et puis comment a-t-il fait pour se libérer ?

Soudain ce fut comme si mes jambes devenaient lourdes et que je courais dans de la colle. Dans une colle de plus en plus épaisse qui finit par m'entraver complètement. J'étais incapable de bouger, le nez à deux centimètres d'une vitre que je me serais mangé si on ne m'avait pas immobilisé juste à temps. J'eus un élan de gratitude pour la personne qui en était responsable. Cependant, il fut de courte durée : j'étais bel et bien prisonnier d'une chaîne invisible qui m'empêchait de remuer, ne serait-ce qu'un doigt de pied.

Dans cette situation, n'importe quel être humain normalement constitué aurait eu peur. Mais moi je ne faisais pas partie de cette catégorie de gens et j'étais plus bouillant de curiosité qu'autre chose. Comment cela se pouvait-il ? Il n'y avait en apparence rien autour de moi et pourtant... Cette expérience, si elle avait un avantage, c'était sans aucun doute celui de modifier radicalement ma perspective du réel et de me pousser à une intense réflexion qui stimulait mon esprit de surdoué. Une voix féminine, dont la propriétaire semblait être extrêmement en colère, me parvint sourdement aux oreilles, comme si j'avais porté des boules Quies.

- ... attention... Chaman veut vivant... soigner...

A ces mots, deux mains s'emparèrent de moi et entreprirent de me conduire à l'autre bout de la pièce. Bon là, j'avoue que la scène est un tantinet grotesque : moi, figé comme une statue du Louvre, la jambe encore tendue vers l'avant et les yeux écarquillés de surprise, étendu en travers des épaules d'un jeune homme faisant aussi peu de cas de moi qu'il ne l'aurait fait d'un sac à patates. Mais, aussi ridicule qu'elle pût être, cette solution me permit au moins d'avoir une vision globale de l'endroit où je me trouvais et que je n'avais pas eu le temps de découvrir, l'ayant traversée et, c'était le cas de le dire, en coup de vent. En fait, c'était un grand garage de forme octogonale. Le sol était en tout point semblable à celui des parkings souterrains, à ceci près qu'il n'arborait aucun marquage, et était de couleur gris clair. Au centre, une magnifique Ferrari La Ferrari, bordeaux avec des sièges en cuir beige clair, luisait sous le soleil de l'après-midi qui se déversait dans la vaste salle par d'immenses baies vitrées s'étendant sur toute la longueur de la pièce. Celles-ci offraient un panorama extraordinaire sur une falaise de rock balayée par les vagues. Et c'est à cet instant que je compris pourquoi le coffre dans lequel on m'avait jeté était aussi petit : j'avais voyagé en Ferrari ! Bon, ok, c'est vrai, elle ne m'appartenait pas, je n'étais pas au volant, mais dans le coffre. Et victime d'un kidnapping de surcroît ! Mais, tout de même, peu de gens peuvent attester être montés dans une Ferrari de compétition, et encore moins dans ces conditions. Alors laissez-moi profiter un peu, bande de jaloux ! Et puis ce n'est pas vous qui vous retrouvez transformé en vulgaire figurine que je sache ! De toute façon, même si on ne m'avait pas figé, j'aurais été incapable de bouger ou de prononcer le moindre mot tant la vue était saisissante. L'écume et les vents balayaient la roche avec une violence inouïe et j'étais persuadé que, si j'avais pu entendre distinctement, le grondement des flots ravageurs me serait parvenu dans toute sa splendeur. Soudain, dans le coin opposé, un grincement attira mon attention. J'étais dans l'incapacité de tourner la tête mais, du coin de l'œil, j'eus tout juste le temps d'apercevoir une longue chevelure châtain clair disparaissant, à la suite de sa propriétaire, à travers une porte entrebâillée qu'elle referma d'un coup sec.

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant