Chapitre 9

53 11 0
                                    


Une main entre mes deux omoplates, Tim me poussa vers l'avant et Tom referma la porte du garage derrière nous. Je balayai du regard la pièce dans laquelle nous venions d'entrer. Elle ressemblait ni plus ni moins à un laboratoire scolaire, de ceux qu'on utilisait pour la chimie ou les S.V.T. Carrelée de blanc avec des murs vert pâle, elle était divisée en deux parties contenant chacune quatre rangées de longues tables blanches. Sur le bureau, qui à l'école aurait été celui du professeur, des lunettes, des gants et autres accessoires de protection avaient été jetés pêle-mêle. En fait, la seule chose qui fût à peu près rangée dans cette pièce était une poignée de blouses accrochées à des cintres et bien alignées sur un porte-manteau. Et encore ! Un nombre plus grand de ces mêmes blouses étaient étalées par terre ou laissées négligemment à pendouiller sur des tabourets. Et tout cela n'était rien à côté du bazar indescriptible qui jonchait les tables : des solutions en tout genre remplissaient de petites éprouvettes qui crachaient ensuite d'étranges fumées colorées, une petite locomotive faisait « tchou-tchou » en traversant inlassablement la table d'un bout à l'autre, et des billes colorées, censées représenter des molécules, se combinaient et se détachaient à l'infini dans un ballet de figures plus compliquées les unes que les autres, tandis qu'un morceau de beurre ne cessait de fondre avant de se reconstituer, produisant un son atroce entre le pet et le rire. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentis immédiatement à ma place dans ce joyeux bazar.

« Comme tu t'en doutes sûrement, voici notre laboratoire. C'est là que nous mettons au point les quelques gadgets qui peuvent nous être utiles, comme, par exemple, le Curaris 3000 dont nous nous sommes servis toute à l'heure pour te soigner. C'est l'un de nos petits bijoux les plus élaborés » m'informa Tim.

Il était beaucoup plus sympa depuis que je n'essayais plus de le frapper ou de m'enfuir à chaque instant, ce qui était assez compréhensible, je dois l'avouer.

« Mais c'est aussi dans cet endroit que nous laissons libre cours à notre créativité et que nous inventons et testons des tas d'objets ou de mélanges rigolos, compléta Tom. Il te plaît ? »

Je ne répondis pas tout de suite tant j'étais sidéré par ce que j'avais devant les yeux. Et puis, de toute façon, j'étais trop occupé à regarder une mouche qui, depuis qu'elle était passée au-dessus d'une installation chimique constituée de tuyaux en forme de tire-bouchons, ne volait plus très droit. Je la perdis un instant des yeux lorsque, après avoir failli tomber dans un bécher plein de ce qui ressemblait à de la mousse à raser bleue fluo, elle devint invisible. Quand elle reparut enfin, c'était pour exécuter un dernier looping avant de finir en poulet grillé, format poche, à l'odeur piquante de brûlé. « Elle n'aurait peut-être pas dû traverser cette étrange fumée verte et rouge, songeai-je. Tant pis. »

- Je vais prendre ça pour un oui, dit Tom d'un ton guilleret.

Tandis que son frère qui avait suivi l'événement commentait :

- Sale temps pour les mouches ! Dommage... moi qui avais mis au point une super tapette à insectes automatique, je ne pourrais même pas l'utiliser.

Je fus pris d'un tel fou rire devant son air sincèrement dépité que je dus me retenir à la table pour ne pas m'écrouler. Ce faisant, je mis ma main dans le beurre mou qui en était à sa énième phase de reconstitution.

- Aïe ! hurlai-je tandis qu'une vive douleur remontait le long de mon avant-bras. Il m'a mordu !

- Ah, euh oui, désolé... Depuis qu'il a fusionné avec une plante carnivore la semaine dernière, il est un tantinet agressif, bafouilla Tom en se passant nerveusement une main dans les cheveux.

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant