Je rasais les murs de très près, de peur de me faire repérer. Dos à la paroi, je tendais le cou à chaque carrefour pour vérifier que la voie était libre. Mais partout où je passais les couloirs étaient étrangement déserts. À ce moment-là, déjà, j'aurais dû me douter que quelque chose clochait, mais l'importance de mon entreprise avait une forte tendance à m'aveugler, de telle sorte que tout le reste me paraissait futile, comparé à mon objectif d'atteindre le bureau du proviseur. Ce n'est que quand je parvins enfin devant la porte close, que je réalisais un chose primordiale : comment allais-je bien pouvoir entrer ? Je n'allais tout de même pas frapper à la porte au hasard en espérant que quelqu'un m'ouvre ! Je me voyais mal dire au chef des pires méchants de l'Univers : "Euh... Excusez-moi de vous déranger mais je ne resterai pas longtemps, c'est juste histoire de vous emprunter quelques preuves qui pourraient m'aider à faire tomber votre réseau criminel. Mais si vous n'êtes pas de bonne humeur, je repasserai". D'un autre côté, je n'avais pas non plus le temps d'attendre campé devant le bureau du proviseur qu'il daigne en sortir pour me faufiler discrètement à l'intérieur. Enfin, tout ça c'était a supposé qu'il soit derrière cette porte. Il pouvait tout aussi bien être sorti déjeuner, me laissant le champ libre pour crocheter la serrure... Avant toute chose, il me fallait vérifier si le directeur se trouvait ou non dans son bureau. Je ne pouvais pas risquer de me faire repérer en projetant mon esprit à l'intérieur, et au vu de ma dernière réussite en matière de projection, ç'aurait été de toute façon un très mauvais plan. J'optai donc pour la méthode à l'ancienne : le couplage acoustique. Et pour la première fois de toute mon existence je remerciai le ciel d'être interne et, par conséquent, obligé de me trimbaler constamment avec de quoi me brosser les dents dans mon cartable. Je posai le gobelet pour me rincer la bouche contre le panneau de bois, et collai mon oreille sur le socle. Avec ça les ondes sonores pourraient passer de part et d'autre du verre et de la porte et rien ne m'échapperait. Au bout de cinq bonnes minutes de silence total, je décidai d'entrer.
Heureusement pour moi, la porte n'était pas fermée à clé. Pas d'effraction donc ! Ce qui ne m'empêcha pas de faire un bond en arrière en lâchant la poignée de métal glacée quand le panneau pivota en grinçant sur ses gonds. Allons bon, voilà que j'avais peur d'une porte maintenant ! De mieux en mieux Mathis, vraiment... ! Je me forçai à me ressaisir et à respirer calmement. Mais j'avais encore le cœur qui battait la chamade quand je posai de nouveau ma main sur le panneau de bois avant de le repousser violemment. Je m'attendais à ce qu'une bande de monstrueuses créatures possédant cent trente-cinq bras, autant de tentacules et encore plus d'yeux se jettent sur moi pour me dévorer. Je fus en partie rassuré en découvrant que ce n'était pas le cas. Je refermai soigneusement la porte à double tour derrière moi et commençai une fouille plus ou moins méthodique de la pièce : il n'y avait pas une seconde à perdre. Tout d'abord l'ordinateur. Comme je m'y attendais, le disque dur était totalement vide, excepté quelques dossiers professionnels sans grand intérêt. Je fis une rapide manipulation pour récupérer les traces d'éventuelles fichiers fantômes depuis longtemps effacés, mais sans trop y croire. Le directeur était bien trop malin et méticuleux ; s'il y avait eu une quelconque preuve dans son ordinateur, je pouvais être sûr qu'elle avait totalement disparu. Je fouillais également sa corbeille : vide. Pour terminer j'explorai ses adresses mails personnelles et professionnelles qui ne présentaient pas plus d'intérêt que le reste, boîte d'envoi comprise. Il va de soi que je le soupçonnais de posséder un autre ordinateur portable, un peu plus "compromettant" cette fois. Veillant à bien tout remettre en place après mon passage, je parcourus les feuilles, factures, dossiers, courriers épars sur le bureau. Là encore rien, si ce n'est que sa facture téléphonique était très peu élevée : il ne devait pas avoir beaucoup d'amis. J'ouvris tous les tiroirs du secrétaire, inspectai les dossiers de pas mal d'élèves et, à l'exception du fait que Michael avait quelques problèmes d'incontinence, n'appris pas grand chose de passionnant. Dans un des tiroirs, je tombai quand même sur un petit téléphone portable préhistorique. Comme précédemment avec son adresse mail, je n'eus aucun mal à craquer le mot de passe : les gens narcissiques et très terre à terre sans aucun lien affectueux marqué mettent souvent leur date de naissance ou un adjectif, en l'occurrence génie ou puissant, c'est comme ça qu'ils se considèrent. Comme il fallait s'en douter aucun contact, aucun message ni numéro enregistré. Si je ne l'avais pas croisé, en chair et en os, j'aurais pu jurer que M. Francks n'existait pas tellement ce gars ne semblait pas avoir de vie en dehors du boulot. Si peu que ça en devenait suspicieux. S'il possédait également un autre téléphone portable avec le genre de carte prépayée totalement in-traçable, il n'y avait dans ce bureau aucune trace de celui-ci, pas plus que du supposé deuxième ordinateur.
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GENIUS - Tome 1 : Trahisons
ParanormalMathis Menson, un jeune surdoué de treize ans méprisé par ses camarades de classe et délaissé par ses parents, s'ennuie à mourir dans le pensionnat pour enfants précoces où il vit depuis ses huit ans. Sa seule distraction : le piratage informatique...