Étendu sur mon lit, une main derrière la tête, je m'amusais à lancer une petite balle en caoutchouc rouge au-dessus de moi et à la rattraper inlassablement. Elle montait jusqu'au plafond, se réduisait à un tout petit point écarlate sur un fond blanc, et revenait vers moi en reprenant progressivement sa taille normale. Non pas que ce jeu m'amusait vraiment en soi mais, comme tout geste mécaniquement répété, il favorisait ma réflexion. Encore une fois je repensais à ce qui était arrivé un mois plus tôt, dans les premières semaines de janvier. Sarah m'avait expliqué comment elle avait eu un mauvais pressentiment et décidé de me suivre dans le bureau du proviseur, comment en arrivant au QG ce jour-là, Manéchal avait tout de suite compris où nous nous trouvions et comment il était venu en urgence à notre secours sans en parler à personne. Autant dire que nous ne nous en étions sortis que de justesse et, même si M. Francks était en prison depuis plusieurs semaines pour voyeurisme et détention de vidéos à caractère pédopornographique (bah quoi Al Capone est bien tombé pour blanchiment !) suite à la découverte des séquences caméras prises dans les toilettes, je ne parvenais toujours pas à trouver le sommeil. Je me réveillais encore parfois la nuit, le corps baigné d'une sueur glacé et des images du directeur frappant Sarah dans la tête, suite à d'affreux cauchemars. Outre cela, quelque chose me chiffonnait dans cette histoire, mais je ne saurais vous dire quoi exactement. Peut-être était-ce le fait que depuis un mois il ne s'était rien passé, mais quand je dis rien, c'est rien. Or lorsque l'on met fin à la plus grande réunion de Psykors jamais vue en s'en prenant directement à leur chef, on peut s'attendre à un peu de résistance de la part des autres membres de l'organisation, mais non. Rien que le jour de l'attaque on n'avait pas vu le moindre renfort poindre à l'horizon : ç'aurait été le comble pour un commandant de ne pas avoir de moyens de communication pour entrer en contact avec ses vassaux ! J'avais comme le mauvais pressentiment que notre histoire n'était pas encore tout à fait terminée...
Ah satané soleil couchant ! Le traître m'avait aveuglé et j'avais raté ma réception de sorte que ma balle avait roulé hors de ma portée. Satanée Terre, plutôt, me corrigeai-je automatiquement. Quelle idée saugrenue d'avoir une trajectoire un petit peu elliptique, de telle sorte que l'hiver on se trouvait légèrement plus près du soleil qui en profitait pour nous narguer à qui mieux mieux en nous aveuglant, sans avoir, ne serait-ce que la vague intention, de nous réchauffer. Contraint et forcé de stopper net ma réflexion, je me retournai et plongeai vers le sol à la recherche du jouet. Sous le lit, ben voyons ! C'est sûr qu'il n'y avait pas meilleur endroit moins accessible où se loger ! Je me laissai donc glisser jusqu'au sol sans aucun style et rampai sous ma couchette : mode otarie ivre enclenché. Je tâtonnais dans la pénombre et la poussière quand ma main se referma sur un petit objet dur et métallique. Son contact était froid contre ma paume. Oubliant totalement le jouet que j'étais venu chercher, je m'emparai de ce qui semblait être un anneau et me redressai pour l'examiner à la lumière du jour. En fait d'un anneau, c'était une chevalière en argent ornée d'un serpent à la gueule grande ouverte garnie de crocs acérés qui se trouvait dans entre mes mains : la bague du directeur. Je ne sais pas pourquoi je l'avais prise, peut-être était-ce une forme de vengeance après la blessure qu'elle m'avait infligée. Je venais de revenir à moi, Le Chaman me soutenait et c'est là que je l'avais vue, brillant au doigt du proviseur toujours inconscient. J'avais fait semblant de trébucher et m'étais emparé de l'objet en faisant mine de me redresser. Après j'avais dû la dissimuler dans les profondeurs de mon pantalon et elle avait probablement glissé de ma poche et roulé sous le lit lorsque j'avais retiré mon jean. Où je l'avais complètement oubliée.
Je la retournai dans ma main en me demandant comment un si petit objet pouvait être aussi effrayant, quand un chuintement étrange jaillit de l'anneau. Surpris, je lâchai la chevalière qui s'écrasa au sol : les grésillements cessèrent immédiatement. Je ramassai prudemment le bijou et inspectai l'effigie de serpent de plus près. Ce faisant, j'appuyai sur le haut de son museau, il y eut un clic et de nouveaux les chuintements se firent entendre : on aurait vraiment dit le son d'une télé allumée qui ne capte pas les chaînes. Et croyez-moi je suis un expert en captation pourrie, la TNT passe même pas dans mon pauvre bled où y a pas de boulangerie ! Je pouvais presque voir les flocons gris et noirs qui barraient l'écran : pas de doute cette bague était un émetteur radio, un genre de talkie-walkie miniature utilisé par le directeur pour informer les autres Psykors de nos agissements, au nez et à la barbe de tous les Nadarens.
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GENIUS - Tome 1 : Trahisons
ParanormalMathis Menson, un jeune surdoué de treize ans méprisé par ses camarades de classe et délaissé par ses parents, s'ennuie à mourir dans le pensionnat pour enfants précoces où il vit depuis ses huit ans. Sa seule distraction : le piratage informatique...