Chapitre 6

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Le soir venu, après une bonne sieste réparatrice, j'étais fin prêt. J'avais élaboré un de ces plans de bataille, le meilleur qui soit ! J'attendis patiemment que tout le monde dorme en revoyant les derniers détails de mon idée. Quand la rumeur des conversations se tut dans les chambres voisines et que l'on cessa de bouger, je jubilai : le moment était enfin arrivé. Lentement, en faisant le moins de bruit possible, je soulevai ma couette et en sortis les draps noués bout à bout, récupérés dans la panière à linge sale de la salle de bain, que j'y avais préalablement placés. Puis je les remplaçai par mon traversin, tâchant de le faire ressembler à un corps humain endormi. Pour terminer, j'enlevai mon pyjama et enfilai un jean et un sweat-shirt noir à l'effigie du drapeau anglais. Heureusement que j'emmenais toujours une tenue de rechange avec moi, autre que mon horrible uniforme. Je fis une boule avec le tee-shirt et le plaçai sur mon oreiller : effet chevelure noire en bataille assurée ! Juste au cas où le directeur serait pris d'une envie subite de venir voir si j'étais bien dans mon lit. Je ramassai mes draps et mon sac à dos, contenant ma lampe torche et mon couteau suisse, et me dirigeai à pas de loup vers la fenêtre. Mon plan était simple : descendre grâce à mes draps le long de la façade. La dernière fois j'avais commis une erreur en passant par devant mais, par chance, ma chambre donnait sur l'arrière du bâtiment, je n'avais par conséquent que peu de risques d'être vu. J'arrivai devant la fenêtre et tentai de l'ouvrir en priant pour qu'elle ne grince pas trop. Ah si seulement j'avais eu un peu d'huile sous le coude ! (huile de coude, vous avez compris ?) Malgré toutes mes précautions, un long  «Ouiiiiinn !» résonna dans le silence. Retenant ma respiration, je cessai de bouger, l'oreille aux aguets. Quelqu'un m'avait-il entendu ? Au loin, un éternuement, puis, plus rien. Ouf ! Néanmoins, j'attendis encore quelques instants avant de nouer solidement une des extrémités de ma guirlande de draps au radiateur : pour une fois qu'il serait utile à quelque chose ! Puis je fis passer mon échelle de fortune par l'ouverture en tirant dessus de toutes mes forces pour en tester la solidité. Apparemment, c'était bon. Je pris une grande inspiration - c'était la partie délicate de mon plan - puis, escaladant la fenêtre, je m'assis sur le rebord et enroulai solidement mes bras et mes jambes autour du tissu. Je baissai une dernière fois les yeux vers le vide qui s'étendait en contrebas. Wouah..., c'était haut tout de même ! Il faisait nuit noire et, de là où j'étais, j'avais du mal à distinguer le sol. Je pris mon courage à deux mains et, fermant les yeux, me jetai dans le vide.

La descente ne dura que quelques secondes mais elles me semblèrent des siècles. L'air froid de la nuit me fouettait le visage et le frottement de mon jean contre les couvertures m'incommodait, jusqu'au moment... où mes jambes cessèrent d'être en contact avec l'attache et où je me retrouvai suspendu dans les airs à quelques mètres au-dessus du trottoir ! J'avais mal évalué la distance et ma bande de draps était beaucoup trop courte ! Paniqué, je n'eus pas le temps de réfléchir qu'un énorme « CRAC ! » se faisait déjà entendre. Incapable de supporter mon poids plus longtemps, le tissu s'était déchiré et la gravité m'attirait inexorablement vers le sol. Réprimant un hurlement de terreur, je tentai de me redresser dans les airs et atterris violemment sur mes pieds. Une douleur fulgurante me traversa la jambe et je tombai à genoux sur le bitume de la rue. Ma cheville gauche avait cédé sous le choc, générant une fabuleuse entorse. Ignorant la souffrance, je me redressai péniblement en prenant appui sur mon pied droit et en m'aidant du mur. Je glissai le morceau de drap qui m'était resté dans les mains dans ma poche. Il ne fallait laisser aucune preuve. La tête me tournait et la peau à l'intérieur de mes paumes était rouge et déchiquetée, brûlée par le frottement rapide contre les couvertures. Un coup de vent glacial m'ébouriffa les cheveux et je grelottai. Regrettant de ne pas avoir pris de manteau, je resserrai le col de mon pull autour de mon cou. Ne sachant trop si c'était le froid ou la peur qui me faisait frissonner, je sortis ma lampe torche de mon sac et l'allumai. A sa pâle lueur, je regardai ma montre. Il n'allait pas tarder à être minuit. C'est donc à cloche pied que je me mis en direction de la forêt et du rendez-vous fixé par les hackers, la douleur manquant de m'arracher un cri à chacun de mes sauts.

GENIUS - Tome 1 : TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant