- Leïla, où est-ce que je mets cette couverture ? me demanda Shin derrière une colline de cartons.
- Et ça ? ajouta Tsubasa, une main tenant une cuillère de service émergeant parmi un bazar d'objets.
- On est trop serrés à quatre dans cet appartement... chuchota Shion agenouillée auprès de Yoru.
- On est cinq je te rappelle... miaula Yoru.
- Elle miaule beaucoup aujourd'hui, remarqua Tsubasa.
J'avais enfin commencé à ranger mon appartement, et tout le monde s'était porté volontaire pour m'aider... Enfin, presque tout le monde, évidemment Unori m'avait ignorée. C'était étrange de voir qu'il y avait autant de monde qui voulait donner de son temps pour une tâche que j'aurais très bien pu faire seule. C'était même Shin qui en avait parlé en première, à la sortie de classe alors que Tsubasa nous rejoignait dans le couloir. Je ne m'attendais pas du tout à une telle envie de participation.
C'était ça, avoir des amis ?
Voilà deux heures que ce chaos de découverte d'anciens objets, d'interrogations sur où mettre telle ou telle chose, et de rires en voyant Yoru jouer avec le scotch industriel des boîtes faisaient vibrer l'appartement de vie. En plus, malgré cela, ç'avait été beaucoup plus rapide que si je l'avais fait toute seule : j'avais fini de ranger tous mes vêtements de façon ordonnée dans l'armoire cachée derrière l'arbre à chat de Yoru, les ustensiles de cuisine étaient presque tous dans leurs tiroirs respectifs, et nous étions en train d'essayer de dégager la voie vers le salon pour pouvoir y installer les canapés.
- Je crois qu'il y a beaucoup trop de meubles... pensai-je tout haut. Je vais devoir en donner quelques uns, c'est impossible de mettre tout ce qu'il y avait dans la maison d'avant dans même pas la moitié de l'espace.
- Tout est déjà rentré, non ? s'enquit Shin, regardant autour d'elle. Et puis, tu avais vendu une partie du meubler que tu ne pouvais pas emmener avec toi, et le deuxième lit aussi quand tu es arrivée ici. Il devrait y avoir de la place...
- Je propose qu'on essaye de tout placer puis on voit à propos de ça, dit Tsubasa, contournant sa sœur pour ouvrir une nouvelle boîte. Oh ? C'est une ancienne télé !
Il sortit la vieille chose grise à l'écran de la taille d'un moniteur d'ordinateur avec grande difficulté. Je me précipitai pour l'aider, mais avec mon peu de muscles, Shion dut intervenir aussi. À trois nous parvînmes à le poser assez délicatement sur des étagères en bois qui n'attendaient que d'être remplies de livres.
- Elle date de quand, cette antiquité ? m'interrogea Yoru.
Je faillis répondre par automatisme, mais je me repris à temps ; Tsubasa n'entendait pas ce que disait Yoru, et répondre à une question qui n'avait pas été posée allait paraître plus que bizarre. Shin répéta la question.
- Je ne sais pas exactement, répliquai-je. Grand-Père disait que c'était la première télé en couleur qu'il avait acheté, et que comme elle marche toujours on ne l'a jamais remplacée. Ça date des années 70 je crois...
- Ça marche toujours ? C'est vrai ? On peut la tester ? s'enthousiasma discrètement Shion.
- Pas tout de suite, il me faut trouver les multiprises et les adapteurs...
La petite fille se jeta aussitôt sur les cartons avec une curiosité nouvelle, sortant mes vielles peluches une à une que je m'empressai de porter dans ma chambre. Je les arrangeai sur le lit comme je le faisais à la maison... C'était ici ma maison maintenant. Cette époque en France me paraissait bien loin, et je me sentais mieux au Japon que je ne m'étais jamais sentie à Longchamp. J'avais plus d'énergie, plus de motivation, et même l'idée de reprendre des cours normaux entièrement en japonais après la fête du travail ne me faisait pas autant angoisser que je l'aurais pensé.
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The Best Way to Die
ParanormalRéveil, repas, lycée... retour à la maison, repas, dormir. Une vie redondante, répétitive... Banale. Mine de rien, j'aimais cette banalité. Ouvrir la porte de chez-moi tous les soirs pour crier "Je suis rentrée". Grand-Père dans son canapé qui lisai...