24 - Rallumer la flamme

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- Tu l'as vraiment choppée au mauvais moment, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue énervée comme ça... commenta Shin, pensive.

J'étais allongée sur son canapé, je venais de lui raconter tous les événements de la veille, du moins, ceux dont elle n'avait pas été témoin.

- Tu crois qu'elle me déteste maintenant ? me lamentai-je mollement.

Je me sentais comme si tout le monde me détestait maintenant. J'avais fait l'erreur de faire un saut sur les réseaux sociaux de l'école, j'étais le deuxième hashtag le plus populaire du jour, le premier étant Unori. J'avais passé une heure de pure dépression à scroller dans les commentaires, cherchant avec un désespoir grandissant les peu de personnes qui n'étaient pas entièrement convaincus de ma perversion. Chaque injure me vidait peu à peu, si bien que le lendemain matin j'étais une coquille vide, incapable de m'indigner contre quoi que ce soit.

J'avais aussi eu le malheur d'avoir un traducteur en ligne à disposition, alors je pouvais maintenant comprendre dans leur intégralité les insultes qu'on me lançait, dont ceux gravés sur ma table :

"Prostituée"
"Pute"
"Perverse"
"Étrangère"

Et celui auquel Unori faisait clairement référence : "foutue gouine". Ça m'inquiétait plus que tout... Probablement parce que c'était la seule qui était vraie...

- Non, je ne pense pas qu'elle te déteste, mais elle a toujours été proche de Ryō, elle le connait mieux que n'importe qui, et je sais que ça lui fait mal de le voir traité comme quelqu'un qui est juste bêtement cruel, répondit-elle calmement en tournant la page de son cahier.

- Ah, parce qu'il est intelligemment cruel, et ça c'est bien mieux ? ironisai-je amèrement.

- Leïla... Si tu étais dans sa situation, tu serais aussi en colère contre le monde... Shion disait vrai, il a des gens qui veulent le voir souffrir, et il doit surveiller constamment comment il est avec les autres pour éviter de les mettre en danger.

- Ça ne justifie pas qu'il cherche à faire de ma vie une misère. Tu ne vois pas ce qu'il a lancé ? J'ai actuellement plusieurs personnes qui me disent d'aller crever ou qui proposent carrément de me tuer pour le bien commun alors que j'ai rien fait ! protestai-je, frustrée.

Shin lâcha un soupir lourd et court, empli de frustration, le genre de soupir qui montre son désaccord, mais qui en même temps indique qu'aucun contre-argument de vient. Est-ce qu'elle comprenait mes inquiétudes ?

- Shin... Qu'est-ce qui se passe s'il apprend pour nous ? S'il le dit aux autres ? Ça va être pire... Tu n'as pas peur ? Parce que moi... Ça me terrifie, avouai-je.

Elle marqua une pause, ferma son cahier, et vint me rejoindre près du canapé. Ses yeux noirs plongèrent dans les miens tandis qu'elle caressa mes cheveux d'une main tendre. Jusque-là elle m'avait rassurée en se conduisant comme d'habitude avec moi. Là je sentais la chaleur monter à mes joues.

- Bien sûr que ça me fait peur... dit-elle mélancoliquement. Depuis que j'ai commencé à travailler chez Yumiko j'ai eu peur que quelqu'un le découvre, mais je me suis faite des amies là-bas et elles ont eu des histoires pires que la mienne, mais grâce à ça elles m'ont donné des astuces.

J'écoutais attentivement tandis qu'elle s'installa plus confortablement.

- La première était de ne pas leur laisser savoir que tu as peur, ça ne fait que les rendre dix fois pire. Il faut qu'on leur fasse voir qu'on est plus forts qu'eux. La deuxième c'est qu'on a le droit d'avoir peur, mais jamais, jamais on n'a le droit d'avoir honte. Si on a honte de nous, ils ont déjà gagné, on leur aura donné toutes les clés pour nous détruire de l'intérieur. Je n'ai pas honte de ce que je fais pour survivre et pour pouvoir avoir une bonne éducation pour me sortir de là, et je n'ai surtout pas honte de t'avoir. Tu n'as pas honte de moi j'espère ?

The Best Way to DieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant