The Best Way to Die

11 - Rage

- Grand-Père, regarde ! Un chat ! criai-je, à six ans toute excitée, agitant mes petits bras potelés.

- Attention Leïla ! Il pourrait devenir un nekomata ! rit-il.

Je m'arrêtai immédiatement, fis demi-tour et allai me réfugier derrière ses jambes minces. Bien que je ne sache pas encore ce qu'était le nekomata, c'était quelque chose de nouveau, alors je m'en méfiais.

- Il va devenir un nekomata tout de suite ? demandai-je, inquiète.

- Je ne pense pas, bien qu'il ait l'air très âgé... Allons le voir ensemble, mais il faut y aller doucement, pour ne pas l'énerver.

Nous nous approchâmes à pas furtifs, le vieil matou en question s'allongea pour nous laisser le caresser. J'hésitais encore.

- Grand-Père, c'est quoi un nekomata ?

- Ah, ça ! C'est un chat, un peu comme lui, mais à une différence près, tu sais ce que c'est ?

Je fis non de la tête, les yeux rivés sur lui, absorbée.

- Il a deux queues !

- C'est possible ?

- Oui c'est possible ! Quand il était petit, il était un chat comme celui-ci, puis il grandit, sa queue grossit et elle se divise en deux ! se réjouit-il, passant sa main dans le poil ras du chat errant. Et il obtient des nouveaux pouvoirs incroyables : il peut prendre la taille d'une colline s'il s'énerve, causer des incendies, ou réveiller les morts. Ils se retirent en montagne où ils dirigent des meutes de loups pour manger les humains qui pénètrent sur son territoire...

- Mais... C'est méchant ! m'exclamai-je, m'écartant du chat.

- C'est méchant en effet, mais on peut comprendre pourquoi ils font ça : c'est parce qu'on leur a fait du mal. Ils ne sont mauvais que si l'on a été mauvais avec eux pendant leur vie en tant que chat. Malheureusement, il y a des propriétaires qui ne prennent pas soin de leurs animaux, ce qui les rend agressifs et amers. C'est pourquoi lorsqu'ils obtiennent du pouvoir, ils se vengent des humains qui les ont blessés. Nous devons toujours nous conduire avec respect envers les chats, ainsi ils nous retourneront la faveur s'ils deviennent des nekomata.

Il m'encouragea à toucher la tête du félin du bout des doigts. Son pelage était sale et mal entretenu. La texture était proche d'une boule de fils de fer, c'était une sensation bizarre. Malgré le fait que de toute évidence il n'avait pas de maison, maigrichon à l'oreille déchirée et à l'œil qui pleurait, il était plutôt amical, et semblait apprécier l'attention qu'on lui portait.

- Nous n'avons rien à craindre de celui-ci, me rassura Grand-Père. Il a manifestement eu une bonne vie avant de se retrouver à la rue ; il est sociable et nous lui donnons ce qu'il veut : de l'amour.

- Tu as déjà vu un nekomata en colère, toi ? l'interrogeai-je, tandis que le minet se roulait pour qu'on puisse lui gratter le ventre.

- Oui, deux fois. C'est assez impressionnant ! répondit-il, le regard perdu dans le vide comme à chaque fois qu'il m'inventait une histoire superbe. Elle faisait facilement sept mètres de haut, avec un grognement qui ricochait contre les murs en faisant trembler l'air. Pauvre petite, ses humains n'avaient vraiment pas été bons avec elle. Elle voulait tout détruire, et elle l'aurait fait si je n'étais pas intervenu avec mes élèves. Quand elle s'était calmée elle ne pouvait que pleurer, recroquevillée contre un mur, entourée par les étudiants.