Biiiiiiiiiip !
- Leïla ? Leïla ? C'est Shin. S'il te plaît, réponds ! Ça fait une semaine que tu ne donnes plus de nouvelles, on s'inquiète tous pour toi en cours. Je ne sais pas quoi leur dire, surtout à Tsubasa, il sent quand Shion lui ment... S'il te plait, parle-nous, ou ouvre à Shion et Tsubasa quand ils viennent toquer à ta porte, ou envoie un message, je sais pas... Juste un signe. Réponds-moi, d'accord ?
Bip bip bip.
Encore le répondeur. C'était le onzième message vocal qu'on m'avait laissé depuis ce soir-là. Même M. Sonozaki avait tenté de me joindre. Je savais qu'ils s'inquiétaient pour moi, mais cela ne faisait qu'empirer les choses : je n'avais pas la force de les laisser me voir dans cet état, mais à chaque fois que je me reconstruisais, que je réussissais à faire reculer la panthère de quelques pas, les voix de mes amis qui devenaient de plus en plus apeurés au fil des jours me brisaient et je me faisais de nouveau dévorer.
Je ne pouvais rien faire. Je mangeais à peine, mais cela ne me dérangeait pas. Je me levais seulement pour faire le chemin entre mon lit et le canapé, en plus de préparer la nourriture pour Yoru. Je ne pouvais pas me permettre de mettre sa santé en danger seulement parce que j'étais trop faible. Elle revenait du travail pour me trouver enroulée autour d'un coussin, les yeux perdus au fond du tableau que Grand-Père m'avait laissé. Ses yeux émeraudes passaient tristement de la jeune Leïla innocente de la peinture à la Leïla fantomatique et vide du jour présent.
Je savais que je ne pouvais pas me permettre le loisir d'être maussade, ni celui de l'introspection, car si je le faisais, de plus en plus l'évidence s'offrait à on esprit : j'avais tué un homme, puis j'avais abandonné son corps dans son lit de mort, seul, à refroidir. Qu'allait-il lui arriver ? Comment en était-il arrivé là ? Sa maison était si grande, pourquoi le néant y régnait ? Je lui avais donné l'une des pires morts qui soient, la mort indifférente. Personne ne pleurait sa perte hors son bourreau... Il devait y avoir de meilleures fins que cela...
Quelle est la meilleure façon de mourir ?
La question dandinait dans ma tête... Peut-être comme l'avait fait Grand-Père. Il avait toujours dit qu'il voulait être le centre d'attention lors de sa dernière heure. Entouré d'infirmières il avait dû avoir son souhait...
Grand-Père... Si seulement je pouvais savoir ce qu'il pensait de ce monde-ci, de son rôle, de...
La lettre !
Je me levai d'un coup, surprenant Yoru qui sommeillait à mes pieds dans un effort de me tenir compagnie. Je courus en glissant sur le parquet jusqu'à ma chambre, bousculai la porte, arrachai le tiroir de ma table de chevet et marquai une pause pour contempler la lettre que Shin m'avait transmise. Je devais résister à mon instinct de déchirer avidement le contenant pour étudier le contenu.
Soignieusement, je décollai le cachet en cire rouge afin de tout préserver de sa forme, avant d'ouvrir délicatement l'enveloppe et d'en extraire l'objet convoité. Tout de suite je reconnus les lettres cursives et majuscules maladroites de Grand-Père qui préférait encore le pinceau à la plume. Je souris dès les trois premiers mots :
« Ma chère Leïla »
Mon esprit lisait les mots avec sa voix chaleureusement grave. Il était là. Je continuai à lire, assise sur le lit.
« Voici ma confession. Si tout s'est passé comme je le veux, tu lis cette lettre au moment le plus important de ta carrière de shinigami, après ta première visite. Je sais que c'est effrayant, et rien n'aura réussi à t'y préparer, pas vraiment. Cette seule et unique expérience sera gravée en ta mémoire pendant le restant de tes jours, je ne te mentirai pas là-dessus. Cependant, tandis que maintenant ce souvenir est vif, intimidant comme une bête qui grogne, avec le temps il deviendra un vieil ami. On donne toujours des anciens aux nouveaux pour les rassurer. Plus tu avanceras dans ta carrière, plus tu seras persuadée que la fin n'est pas la fin ; les personnes qui y vont le sourire aux lèvres et les yeux pleins d'espoir, ce sont eux qui t'encouragent, qui t'aident à apprendre.

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The Best Way to Die
ParanormalRéveil, repas, lycée... retour à la maison, repas, dormir. Une vie redondante, répétitive... Banale. Mine de rien, j'aimais cette banalité. Ouvrir la porte de chez-moi tous les soirs pour crier "Je suis rentrée". Grand-Père dans son canapé qui lisai...