Je caressai doucement la tête de la nekomata qui sommeillait. Elle grommela en s'étirant sur une des plates-formes couverts de douceur rose synthétique.
- Leïla... Je suis une shinigami avec quatorze années d'expérience en tant que professeur, je suis capable de me téléporter des dizaines de kilomètres en quelques secondes, je n'ai pas besoin de me lever une heure en avance pour aller au travail...
- Faut te coucher plus tôt si tu veux dormir plus ! continuai-je à la pousser. Et puis c'est à peine cinq minutes avant qu'il faut qu'on parte !
Elle bascula mollement avec un petit "plouf" sur le coussin. Déjà à court d'arguments et en retard, je la pris dans mes bras et la mis peu cérémonieusement dans mon sac de sport avec un miaulement indigné. Je laissai une petite ouverture pour qu'elle puisse y passer la tête et sortis à la triple vitesse. Cependant, je dus m'arrêter dans mon élan dès que j'arrivai sur le palier :
- Shin ? Qu'est-ce que tu fais là ? m'étonnai-je. Tu pars plus en avance d'habitude...
- Je me suis dite que ça ne ferait pas de mal de changer un peu, sourit-elle, mais quelque chose me paraissait bizarre dans son ton. Je pars en avance et j'arrive en avance au lycée avec personne à qui parler, alors je me suis permise de marcher jusqu'ici. Ça ne te gêne pas ?
- Non, pas du tout ! me précipitai-je.
Si, cela me gênait un peu... Bien que j'appréciais beaucoup Shin, le voyage en train le matin était devenu un moment rituel de calme où j'étais seule, où je pouvais réfléchir. Ou du moins, un moment où je tentais de réfléchir : il y avait beaucoup trop de monde, même sur les trains qui passaient plus tôt le matin. J'avais déjà arrêté d'aller au lycée en même temps que Shion et Tsubasa à cause de la sensation "boîte à sardine" où la notion d'espace vitale devenait un luxe disponible seulement pour les personnes qui arrivaient à se faufiler dans les coins.
Je sentis Yoru gigoter dans mon sac ; je m'imaginais à présent que tout cela devait changer après ce qu'on appelait à présent dans le lycée "la tempête du diable". Je faisais bien attention à réveiller Yoru avant de partir et l'emmener avec moi si elle refusait de se lever, afin de prévenir contre d'autres cauchemars. J'avais encore les blessures douloureuses qui me rappelaient en quoi, malgré la corvée d'invoquer une Yoru grognon à sept heures trente et de la persuader de m'accompagner dans le train, c'était la solution la moins pénible. Si je n'étais plus seule pendant ces trajets, je préférais que ce soit en compagnie de quelqu'un avec qui je pouvais parler sans avoir l'air d'une folle en pleine crise.
Shin était plutôt discrète pendant le voyage, même si elle me souriait à intervalles réguliers, je la sentais préoccupée.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? demandai-je enfin, alors que la voix automatique annonçait notre arrêt.
- Tu reçois ta faux aujourd'hui après les cours, non ?
- Si, normalement, avec le test pratique de passe-muraille, confirmai-je, peu sûre d'où elle voulait en venir.
- Et si tu le passes, tu vas avoir ton premier examen officiel en situation réelle dans la semaine... ?
- Oui, celui pour pouvoir passer à l'étape de visites en accompagnement... Tu connais le déroulement, tu es déjà en accompagnement, pourquoi tu me poses toutes ces questions, Shin ?
En un clin d'œil, elle s'éclipsa par la porte qui venait de s'ouvrir, et je dus courir pour la rattraper, au grand mécontentement de Yoru qui subit l'impact répété contre mes jambes. Je ne l'avais jamais vue marcher si vite, et je m'essoufflai simplement à ne pas la perdre de vue parmi les passants. Enfin, je parvins à la rejoindre.
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The Best Way to Die
FantastiqueRéveil, repas, lycée... retour à la maison, repas, dormir. Une vie redondante, répétitive... Banale. Mine de rien, j'aimais cette banalité. Ouvrir la porte de chez-moi tous les soirs pour crier "Je suis rentrée". Grand-Père dans son canapé qui lisai...