Partie 7, lueur d'espoir

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J'ai continué à tapoter sur mon écran de téléphone une bonne partie de la soirée, jusqu'à ce Ghita vienne me proposer de rentrer. Le mec avec qui elle se dandinait tout à l'heure nous ramène. Je salue Meriem ainsi que quelques filles avec qui j'ai fait connaissance. En sortant de la chicha, Ghita s'arrête près d'un groupe de mecs qui étaient avec nous au début de la soirée, le rebeu fashion se trouve parmi eux. Il me toise du regard, je lui rends bien évidemment. Je salut le petit groupe de loin, Ghita discute un peu avec eux et me suit.

- Eh Karim s'est vraiment une frappe !
- C'est qui Karim ?
- Le seul beau gosse du groupe, le grand brun là ! - Elle m'indique du doigt le type de tout à l'heure, celui qui est venu faire son sketch de séducteur.
- Oui il est venu me tchatcher tout à l'heure, le style à Bilel ça
- Une fois, y a un bail, il m'a proposé de me ramener au tel-ho, il prend toutes les meufs pour ses putes. C'est un beau-gosse mais qu'est-ce que c'est un enfoiré par contre.

Une voiture s'arrête devant nous, le mec de Ghita est au volant. Elle monte devant, le mec lui fait les yeux doux tout le trajet, pendant qu'elle fait la belle. Moi je m'endors en regardant les paysages défiler sous mes yeux...

**

Un samedi, j'emmène Aya faire ses courses pour sa rentrée des classes, elle rentrée en CM1. Tout allait si vite, j'avais même pas le temps de la voir grandir, j'étais trop prise par ma vie de dépravée, tout allait à 200 km/heure autour de moi. On passe devant une boutique de chaussures, une affiche est collée sur la vitrine "recherche vendeuse". Je repense au conflit que j'ai eu ma mère il y a quelques jours, sur l'avenir, sur mon le travail. Elle avait raison, j'avais 19 ans, j'avais aucun diplôme, aucun travail, je vivais à ses frais, elle allait pas pouvoir m'entretenir toute sa vie. Et puis l'indépendance financière ça pourrait peut-être me permettre de passer le permis, et qui sait... pouvoir sortir ma mère et ma soeur de ce trou.

Le lendemain j'étais devant cette même boutique, avec mon CV en main. Celui que j'avais rédigé avec Julie il y a quelques mois. Je m'arrête sur cette pensée : Julie. Je l'ai complètement oublié, complètement ignoré ces dernières semaines. J'ai fui du jour au lendemain sans donner de nouvelles, comme mon père, c'est génétique il faut croire. Je me suis laissée dépasser par mes pulsions destructrices, comme toujours.
Je salue la caissière et lui tend mon CV, c'est une renoi, assez jolie et stylée. Je fais tâche à côté d'elle.

- Ok je lui transmettrai, elle revient tout à l'heure
- Merci beaucoup, c'est gentil, au revoir...

Je pars un peu soulagée, avec très peu d'espoir, car je sais que les chances qu'elle me rappelle un jour sont minuscules. Je suis devenue défaitiste au fil du temps, à force de me manger des centaines de refus dans la face.

Le lendemain, j'étais dans ma chambre en train de lire un vieux bouquin en italien que ma grand-mère m'avait passé. J'étais fan des romans italiens. Mon téléphone sonne, un numéro pas enregistré. J'ai d'abord cru que c'était les rats qui traînaient avec Bilel, puis j'ai pensé au CV...

- Allô ?
- Allô oui bonjour, mademoiselle euh.... Sahid... ?

Une petite voix douce féminine me répond.
- Oui c'est moi ?
- Je suis la gérante du magasin ****, voilà j'ai bien reçu votre CV. Je souhaiterais vous rencontrer si vous êtes disponible dans la journée ?

On convient d'un rendez-vous dans l'après-midi, je tremble de tout mon être, j'essaye de pas trop bégayer, elle me salue et raccroche. Je cours vers la cuisine :

- MAAAAAAAAMMA ! HO UN COLLOQUIO !!! (j'ai un entretien)
Ma mère est debout son petit tablier autour de la taille :
- Hein ? Cosa ? (quoi)
- Ho un colloquio per il lavoro ! (j'ai un entretien pour du travail)
- E vero ? dove ? (c'est vrai ou ça ?)
- In un negozio di scarpe (dans une boutique de chaussures)
- Quando ?
- Questo pomeriggio ! (cet après-midi)

Elle me tire vers ma chambre, et choisis mes vêtements, puis me tire vers le canapé, et m'assoit :

- Mamma : faremo qualcosa ai tuoi capelli streghe (on va faire quelque chose à tes cheveux de sorcières)
Je souris et la laisse faire, j'ai totalement confiance en elle sur ce point. Ma mère a été coiffeuse plus jeune. Elle met fait un jolie chignon et me met un peu de mascara.
Elle met ses mains sur sa poitrine :
- Mamma : un vero e proprio bella italiana , sei così bella ragazza ! (une vraie italienne tu es belle ma fille)

Je la sers dans mes bras :
- Je suis désolée maman...
- C'est pas grave ma fille.. so che sei una ragazza grande , sei intelligente , potrai fare le scelte giuste (je sais que tu es une fille intelligente que tu feras les bons choix).. ma.. (mais) fais attention à toi ma fille, ne fais pas les mêmes erreurs que moi, celles que j'ai fait avec ton père, fais attention à toi.

Si tu savais mamma, que les erreurs que tu as faite plus jeune sont ridicules par rapport à celles que je suis en train de faire actuellement dans ma vie.
___

Un soir, je sors du travail, Ghita m'appelle, me propose une soirée chez un pote à son mec. J'ai besoin de décompresser de ma semaine, j'accepte de l'accompagner. Je prends le bus en sortant du travail, il fait froid, la nuit tombe tôt, tout ce que je hais. Je reste manger avec ma mère et Aya, puis j'enfile une robe courte et je descends rejoindre Ghita qui m'attend en bas.

On se retrouve dans l'appartement d'un mec qu'on connait bien, les mêmes têtes que d'habitude. Alexandre n'est pas là ce soir.. de peur de m'ennuyer, de ne devoir tenir la conversation aux gens autour de moi j'enchaîne verre sur verre.

Je suis traînée par Ghita sur la piste et toutes les deux on se déhanche, comme on sait si bien le faire. Faire le show, c'est notre plus grand talent. Les heures défilent, je pars me resservir, quand Ghita m'agrippe:

- Luisaaaa! J'ai invité ma cousine Meriem à nous rejoindre avec quelques potes, regarde le beau gosse qu'elle nous a ramené ! Je me retourne vers l'endroit que Ghita m'indique du doigt.

Meriem est assise sur un des canapés d'angle à côté d'un grand brun. Pas loin je reconnais quelques personnes qui étaient là le soir de son anniversaire. Les lumières tamisées et le fort taux d'alcoolémie dans mon sang m'empêchent de distinguer des visages. Ghita me tire vers la table en question, une fois devant eux, je réussis à reconnaître une seule personne : Karim. Il est en pleine discussion avec une demoiselle. Je salue l'assemblée, mais contrairement à Ghita je m'échappe aussi vite que je suis venue.

Je retourne danser, m'évader. Ses soirées étaient mes seules échappatoires à l'époque. Je me sentais pas femme, je me sentais pas désirable en me trémoussant aux milieux des hommes, je me sentais juste partir. Mon esprit se vidait et mon corps n'était plus maître de lui-même. En apparence je tenais bien l'alcool, mais en vérité pas du tout. Il suffisait de quelques verres pour que je ne sois plus moi-même, pour que je sois plus la fille réservée et calme que j'étais réellement.
La soirée passe. Ghita est sur la piste à côté d'un brun depuis tout à l'heure. Son mec est surement en train de pécho lui aussi dans un coin. Leur relation est spéciale.
Les souvenirs de cette soirée sont flous... Le principal souvenir que j'ai, c'est un homme qui est venu s'immiscer dans mon cercle privé, dans mon espace intime, il a posé ses mains sur mes hanches, laissant la musique nous entraîner, nos corps collés et la chaleur monter. Puis des paysages à travers la fenêtre et plus rien.

Je me suis réveillée en sueur, le crâne bousillé, un mal atroce m'a empêché d'ouvrir les yeux totalement. La lumière du jour m'a brûlée les pupilles. J'ai mis plusieurs minutes à comprendre que je n'étais pas dans mon lit. En panique j'ai regardé tout autour de moi apeurée, sur la chaise en face il y avait des vêtements de mec, mais personne à mes côtés.

- Wesh la belle au bois dormant..

La rose fane mais pas ses épinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant