La rose fane mais pas ses épines

Partie 28, s'aimer

Plusieurs semaines sont passées depuis la visite en coup de vent de Majid. L'hiver s'est installé, la routine aussi. Je sors très peu, à part pour rendre visite à ma mère et Aya. Ghita a disparu de la circulation, après un long séjour en Thaïlande avec son nouveau mec, elle m'a de nouveau abandonnée pour un séjour romantique à Venise. Je ne lui en veux pas, elle vit, voyage, se fait aimer. Elle a raison. Je devrais faire pareil. Profiter de cette courte vie pour être heureuse. Mais pour voyager en amoureux faut-il encore avoir quelqu'un à aimer. L'amour et moi, on ne s'entend pas vraiment. Depuis mon petit dérapage avec Karim, c'était encore silence radio.
La haine avait remplacé l'amertume. Un connard de plus à mon tableau.
Je passais le plus clair de mon temps au taf, ma vie sociable était en chute libre. Pas de mec, pas de copine. Célia et Ghita étaient trop prises par leurs mecs respectifs. Saf, lui, trop occupé par son business et la construction de son empire. Moi, j'étais seule avec mon petit salon. Alors je claquais ma thune dans les commandes de nourriture.

En parlant de nourriture, un soir, épuisée par mon après-midi de service, je commande ma dose de sushis. Je me noie dans la nourriture, c'est pas bien, mais c'est mieux ça que la coke ou l'alcool. J'appelle mon resto de sushis habituel, 45 minutes plus tard la sonnerie retentit. Je cours dans les escaliers, le livreur est debout avec ma commande. Il est éclairé uniquement avec la petite lumière de mon hall d'entrée mais j'arrive à voir d'ici que c'est un canon. Grand, brun, absolument mon type de mec. Je suis toute rouge face à lui, je ne sais même plus me comporter avec les mecs. Il me sourit, je bégaye un merci en tirant le sachet. Je lui tends mon billet de 50 euros. Il enchaîne, gêné :

- Ah merde, j'aurais sûrement pas la monnaie.
- Je l'ai dit à votre collègue au téléphone, j'ai pas de monnaie moi.
- Se grattant le haut du crâne de son casque : Ça te... enfin vous dérange si je repasse plus tard avec la monnaie ?

Ouais ça me dérange que tu gardes mes 50 balles mec. Mais j'ai pas d'autres solutions alors j'acquiesce.

- Je repasse dans 30 minutes, le temps de faire la livraison. Vous pouvez me redire votre nom et numéro de téléphone ?

Je lui redonne mes coordonnées et remonte en vitesse avec mon sac pour engloutir mes sushis. A peine j'ouvre le sac, je constate qu'il manque la moitié de la commande. Putain! Vive la livraison! Je rappelle directement le restaurant, je tape mon scandale. J'explique l'histoire de la monnaie. Il s'excuse me dit que le livreur revient dans 1 heure. Moi qui voulais manger rapidement pour aller rattraper mes heures de sommeil en moins, j'ai les nerfs.

Une heure plus tard, le livreur me bip sur mon téléphone, je descends agacée. Quand j'arrive face à lui, il a un sourire aux lèvres, il me gave, c'est pas le moment.

- Je vais finir par connaître le chemin par cœur. Dit-il en rigolant.
Là, c'est pas drôle, c'est la blague de trop, j'suis soûlée et fatiguée, file moi mes sushis, ma monnaie et dégage ! Je fulmine :

- Y a rien de drôle en fait ! Je travaille moi, j'ai passé la commande y a 2 heures ! Déjà vous arrivez sans la monnaie alors que j'avais prévenu et en plus avec la moitié de la commande ! Je sais pas faut vérifier s'organiser ! Pour prendre la thune y a du monde mais pour respecter les commandes y a personne ! Bref si je peux récupérer ENFIN ma commande et mes 30 balles !

Il paraît choqué mais il garde toujours son sourire collé à ses lèvres, c'est encore plus agaçant !

- Wow wow wow! Pas la peine de s'énerver, tranquille ! Tu vas manger ! J'y suis pour rien moi, je fais que mon taf. C'est pas moi qui prépare les commandes et t'es pas la seule cliente, ça arrive ! Tiens tes sushis, ta thune, garde, cadeau de la maison, si ce n'est que ça.

Il me tend mon billet de 50 et mes sushis.

- Nan ! Je veux payer et récupérer ma monnaie ! C'est simple !
- Non non, t'as l'air de le prendre à cœur ton histoire de sushis, tiens tiens. - dit-il en me tendant le billet - Moi je ne veux pas que tu débarques à mon taf et que tu commences à tout saccager pour quatre sushis. Mange mange !