J'ai compris mon erreur qu'après avoir prononcé ces mots. C'était trop tard, il a desserré tout doucement ses mains autour de mes poignets. Il me regardait avec ses grands yeux pleins d'incompréhension.C'était insupportable. Ma phrase tournait en boucle dans ma tête, c'était la première fois que je le disais réellement. C'était la première fois que ça sortait de ma bouche. J'allais en vomir. J'ai tiré mes mains de son emprise et je me suis reculée.
- Va t'en !
- C'est quoi ces conneries?
Je voulais me débarrasser de lui, de ces grands yeux sombres qui m'épiaient. Je ne voulais plus jamais entendre parler de tout ça. Mais lui n'était pas de cet avis.
- C'est pas vrai, j'ai dit ça pour que tu la fermes, dégage maintenant !
J'ouvre la porte pour lui montrer la sortie. Il reste silencieux quelques secondes. Je sens la tension dans son regard, ses mains se crispent. Il tape fort dans la porte qui se claque et me menace avec sa main :
- Arrête de m'prendre pour un con Luisa ! Wallah je rigole pas avec toi ! Ma patience a des limites là ! T'es en train de me pousser. Tu racontes quoi là ? C'EST QUOI CES HISTOIRES DE VIOL ?
- RIEN PUTAIN MAIS LAISSE MOI, CASSE TOI !
J'étais à bout, encore plus agacée par le fait qu'il ne voulait pas partir. Je tapais du pied en sanglotant comme une gamine. Je me suis mise à suffoquer tout doucement, je respirais difficilement. Il me hurlait de me calmer, ce qui m'angoissait encore plus. Je mettais mes mains autour mon cou, je voulais pas faiblir, je voulais pas perdre le contrôle, mais ces idées me faisaient encore plus paniquer. J'ai été prise par une forte crise de panique. Il m'a tiré vers le sol pour me faire asseoir et il est allé chercher une bouteille d'eau.
- Respire, bois
Je m'exécute. Il s'assoit à côté de moi le long du mur, souffle fort d'agacement. Il reste là plusieurs minutes à m'écouter tenter de reprendre ma respiration. Petit à petit tout revient, je calme mes larmes et souffle un grand coup. Le silence était à la fois pesant et à la fois apaisant. J'avais besoin de ça, besoin que mon esprit se repose rien que quelques secondes dans un long silence. Karim a levé la tête vers moi au bout de plusieurs longues minutes et a dit :
- J'suis peut-être un gros baiseur comme tu dis, mais j'suis loin d'être un trou du cul. Loin d'être con.. -je lève la tête pour le voir continuer sa tirade- Tu crois que j'ai pas vu la première fois là fois où je t'ai amené à l'hôtel lendemain la panique dans tes yeux ? Tu crois que j'ai pas vu qu'à chaque fois que tu te retrouves seule dans une pièce avec moi tu regardes les portes plusieurs fois ? Tu crois que j'ai pas cramé que t'avais peur de moi ? C'est des réactions que j'connais trop ça. Tu peux prendre tous tes petits bourges de mes couilles pour des cons, avec moi ça marche pas.
Il avait remarqué des trucs que même moi je n'avais pas remarqué, des réactions incontrôlées dont j'avais jamais fait attention. J'étais perdue, perdue entre mes pensées, mes peurs et mon envie pour la première fois de cracher tout ce qui se terrait au fond de ma mémoire depuis plusieurs mois. Alors s'est sorti tout seul, de façon incontrôlable. J'ai tout dit, tout craché. Depuis le départ de mon père, jusqu'à aujourd'hui... Bilel, les trafics, les vols, ses potes, la prison, je lui avais tout raconté d'une traite. Il m'écoutait silencieux, sa tête posée contre le mur, les yeux rivés vers le sol. Il m'avait écouté détailler le pire soir de ma vie, la voix tremblante, en tentant de mettre des mots clairs, en tentant de reconstituer les faits dans l'ordre. Il était resté de marbre, même quand j'avais raconté les menaces de Bilel après ce soir là, le harcèlement et la pression psychologique. Je lui avais raconté ma peur qu'il s'en prenne à ma famille, à ma soeur, à ma mère, mon envie de partir, de les emmener loin de mes conneries. Mon récit terminé, il a levé les yeux vers moi...
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La rose fane mais pas ses épines
RomantikLuisa est une jeune fille de cité désorientée. Consumée par la vie, par la gente masculine, par le manque d'argent et par la précarité. Elle tente de s'en sortir et de combattre ses vieux démons. Mais est-il possible de combattre les démons qui nous...