La rose fane mais pas ses épines

Partie 15, joyeux anniversaire

De nous deux, Ghita était la plus dégourdie, la plus à l'aise dans la vie. Que ce soit avec les mecs, l'argent, elle était la première en tout. J'étais admirative de ce petit morceau de femme, trop débrouillarde et indépendante pour les mecs. Une beauté à couper le souffle et qui savait ce qu'elle voulait. Ce qui m'est arrivée n'aurait pas pu arriver à une meuf comme Ghita. C'est elle qui menait les mecs à la baguette et pas le contraire. Elle ne se serait jamais laissée marcher sur les pieds par un type. Elle lui aurait dit d'aller se faire foutre des les premiers mots de travers. Son caractère de feu et sa capacité à se faire entendre l'avaient protégé des mauvais plans jusque là. Contrairement à moi. J'ai voulu suivre son rythme, marcher sur ses traces, j'ai vite trébuché. J'ai compris qu'on était trop différentes pour que je lui ressemble au fond. J'ai compris qu'on était trop différentes pour que je mène la même vie qu'elle. Mais c'était mon seul et unique repère dehors. Ghita n'était pas du tout expressive, que ce soit en amour ou en amitié. Mais j'ai compris qu'elle tenait à moi après l'histoire avec Bilel, elle avait coupé les ponts avec tout le groupe. Quand on marchait dans la rue et qu'une connaissance commençait à déblatérer de la merde sur ma réputation, Ghita partait au combat direct. Elle aurait niqué des mères pour me rendre mon honneur et mon intégrité. J'ai compris que c'était sa façon à elle de me protéger. Avant c'était moi la plus cramée de nous deux, celle qui cassait un tête pour un oui ou un non. A cette période, c'était elle la tête cramée. Celle qui protégeait mes arrières. Elle a beau avoir les plus gros défauts du monde, vivre dans un monde de strass de paillettes et de Louboutins, elle reste la Ghita que j'ai connu au lycée. Celle qui se sappait à Tati et qui faisait croire qu'elle était italienne. Sur beaucoup de points elle n'a pas d'excuse valable, mais je connais la Ghita cachée sous sa tonne de maquillage, la Ghita qui ne sort que rarement. Celle qui a été abandonné par son père et gâtée par sa mère pour combler le manque d'affection.

Elle est assise en face de moi sur sa petite chaise de bureau. Elle regarde le vide depuis plusieurs minutes. J'ai craché le morceau, je lui ai raconté pourquoi j'avais lâché mon taf, repris mes mauvaises habitudes, pourquoi j'étais silencieuse et renfermée ces derniers temps. La réapparition de Bilel, le parloir, les trafics avec Majid. Elle est reste silencieuse, mais j'ai très clairement vu qu'elle voulait me tuer et le tuer avec.

- Je vais lui envoyer Kader !

- Non Ghita commence pas tes conneries, mêle pas Kader et tout le reste à cette histoire. C'est mes bails, c'est mon ex, c'est à moi d'assumer.

Elle se lève folle de rage :

- Non non ! Ce fils de pute veut jouer les bonhommes, j'vais lui ramener un homme moi ! C'est trop facile Luisa il s'en prend à toi parce que t'es une meuf et que t'as pas de grand frère ! Il croit c'est le boss du quartier ? J'vais lui ramener plus chaud que lui y a pas de problème !

- Je sais très bien ça, mais laisse moi régler ça

- Tu vas régler ça comment ? Tu règles rien du tout la Luisa, tu te laisses faire comme d'habitude, t'en as pas marre de te laisser faire ? Là il t'envoie garder ses merdes, ça va être quoi quand il va te demander d'aller flinguer un mec hein ? Quand il va sortir de prison, tu vas retourner avec lui ? Eh j'te préviens Luisa si tu retournes avec ce fils de pute, tu peux m'oublier, on se calcule plus !

- Arrête t'abuser on est dans Scarface ! T'es malade ou quoi jamais je retournerai avec lui.

- Tu crois il a prévu quoi dans son crâne tordu lui ?? Il te l'a dit, il veut que ça redevienne comme à l'époque du lycée ? Tu te souviens quand Walid (son mec de l'époque) et moi on venait te récupérer le visage en sang ? Quand il te frappait pour rien ? Quand il s'est tapé Leila quasiment sous tes yeux ? Tu te souviens qu'il t'a violé ou pas ?