Et si vous voyiez les choses du côté de la garce qui cache un lourd secret ? Voire deux ? Ou même une infinité ? De celle qui fait du mal aux gens pour se rassurer de sa propre souffrance ?
Si vous voyiez mon point de vue, à moi, Beverly Abbott ?
A...
- Heaven était censé être ton antidote. Ton électrochoc, si tu préfères. Je lui avais demandé de te servir de souffre-douleur pour que tu puisses te rendre compte de tes erreurs... En rien je ne voulais te nuire, crois-moi !
- Je le sais... simplement... Ce n'était pas important sorti de chez moi. De me rendre compte de mes erreurs, je veux dire. Et puis, on n'allait jamais plus loin que les mots. C'est pour ça que j'étais surprise lorsque tu m'as dit de ne jamais l'enfermer. Je ne serais jamais aller aussi loin.
Il a sourit et m'a piqué ma glace pilée pour en boire un peu. Je n'avais même pas percuté jusqu'à ce qu'il la garde pour lui.
- Je m'en doutais. Heaven, moins.
- Au final, mon électrochoc était justement de la voir enfermer.
J'ai tenté de lui reprendre ma glace, mais il mâchouillait déjà la paille, comme pour marquer son territoire. Après tout, il me l'avait payé sur son salaire. Il y avait bien droit. Excepté le droit de me tirer la langue juste après !
Il y eu un mini-coucours de tirage de langues totalement ridicule, mais, je pense modestement avoir gagné !
Puis Craig m'a donné un coup amical dans l'épaule et j'ai continué :
- Ça m'a rappelé quelque chose de terrible que j'avais oublié. Une leçon que j'avais apprise.
- Qui est ?
- "Tes victimes sont les reflets de toi-même. Si tu les blesses, tu te blesses."
- Et tous les bourreaux respectent cette magnifique loi ?
- Non., dis-je en pensant à ma mère., Je ne pense pas. Et pour ce qui est de ta mère ?
- Qu'est-ce qu'elle a, ma mère ? Elle ne ferait pas de mal à une mouche !
- Non, ça n'a rien à voir. C'est juste que... Chad a l'air d'ignoré ce que Mme. R. fais dans sa "salle secrète", mais toi non.
Il posa le gobelet vide de glace pilée sur le trottoir, entre nous, comme si, avec son langage corporel, il essayait de me dire qu'il ne voulait pas répondre, puis il soupira, la tête levée vers les nuages et le ciel, voyant que mes yeux insistaient pour avoir la réponse.
- Ma mère n'a pas beaucoup de moyens de s'exprimer, tu le sais. Alors, elle a décidé d'écrire un livre.
- Un livre ? Sur quoi ? Pourquoi tous ces secrets pour un bouquin ?
- Parce que le livre est pour quelqu'un... Qui a des secrets, justement. Et ma mère... cherche à l'aider. A sa manière.
- Qui ?
- Tu ne devines pas ?
Je m'étais mise à réfléchir quelques secondes, puis ma voix s'était brisée et je ne pouvais plus parler, sous la pression.
Craig s'est remis à rire ; ma tête était si drôle que ça ? Puis il a repris son sérieux pour confirmer mes doutes. Et j'eus un frisson d'effroi. Genre, un vrai. Le truc qui se voit bien.
- Elle n'écrit pas sur toi, mais pour toi, Bev. Elle cherche juste à te venir en aide.
- Je n'ai pas besoin d'aide !
- Ne dis pas de bêtises. Tout le monde a besoin d'être aidé.
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- Toi aussi ?
Il se racla la gorge.
J'avais bien compris qu'il ne voulait pas en parler, moi non plus, je ne voulais pas parler de mes problèmes, mais j'étais quand même curieuse d'en savoir plus.
- Comment s'appelle le livre ? Celui que ta mère écrit ?, ais-je demandé pour changer de sujet, voyant bien que ce silence créait un malaise entre nous.
- Elle l'a appelé "Le Livre de Guérison". Elle tient vraiment à ce qu'il t'apporte quelque chose...
- Pourquoi Chad n'est pas au courant ?
- Pourquoi aurait-il besoin de l'être ?
- Et pourquoi toi, tu l'es ?
- Et bien... Parce que c'est moi qui lui ait donné l'idée.
- Sérieusement, Craig...? Tu...?
- CRAIG !, retentit une voix très grave derrière nous. Une voix forte qui me fit sursauter, d'ailleurs., Retourne au travail. Ta pause est terminée, alors tu laisses ta copine tranquille et tu te grouilles !
- Bien, boss., répondit Craig, légèrement agacé.
Puis, lorsque son patron tourna le dos, Craig me regarda et haussa les épaules avec sa "tête de pitre", ce qui me fit pouffer de rire.
J'adorais l'idée de savoir que, même si je détestais ma vie dans les grandes lignes, il y avait toujours un moyen de me faire rire. Pour m'amuser.
Par contre, il aurait fallu dire à ce monsieur que je ne suis pas sa "copine". Je suis la demi-sœur de son demi-frère.
En soi, nous n'avons pas de lien de parenté entre nous.
Alors, pour simplifier les choses, disons que nous sommes... amis.
Amis, ça sonne bien pour notre relation.
Vraiment bien.
****
2016
"Tu veux l'aider ?"
- Elle ne voudra pas de mon aide.
"Alors fais en sorte qu'elle ne s'en rende pas compte."
- Maman...
"Une idée ?"
- Ça serait plus simple si ça venait de toi.
"Que voudrais-tu que je fasse ?"
Craig secoue la tête. Il ne sait pas. Il a beau chercher, il ne trouve pas. Il pose son visage entre ses mains et ferme les yeux.
Que pouvait-il bien faire ?
Lorsqu'il relève la tête, il voit sa mère avec son carnet, celui dans lequel elle écrit ce qu'elle veut dire pour ceux qui ne parle pas la langue des signes.
Son regard s'illumine soudainement, à tel point qu'il en viendrait presque à hurler "Eurêka !".
Sa mère le regarde sans comprendre mais sourit ; ce n'est pas souvent qu'elle voit son fils avec une telle expression !
- Tu vas écrire !!
"Écrire quoi ?"
- Un livre ! Un livre pour Beverly ! Tu vas la consoler par l'écriture ! Tu es douée pour ça ! C'est comme ça que tu faisais pour Chad et moi quand nous étions petit ! Tu te souviens ?
"Évidemment que je me souviens. C'était pour vous consoler après la mort de Charles..."
- Tu avais laissé tomber la langue des signes pour nous écrire tout ce que tu ressentais, et pour nous décrire ta façon de voir les choses ! De voir le monde !