Comme être seule au monde

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Les bruits de pas dans les couloirs s'atténuaient, les gens se taisaient et le temps se figeait peu à peu.

C'était une sensation que je détestais.

Je haïssais broyer du noir parce que j'étais seule.

Je haïssais être seule.

Je finissais par me renfermer et à ignorer ce qu'il se passer autour de moi.

Mes oreilles se bouchaient, et ma notion du temps se dégradait. Combien de temps durait une minute ? Une éternité...

C'était loin d'être une bonne idée, finalement !

Se fondre dans la foule, c'était le meilleur moyen pour moi de me perdre dans cet océan de gens qui ne m'aimaient pas. De gens qui ne me connaissait pas.

Et, si par malheur, je décidais de parler avec qui que ce soit, je n'imaginerai pas les répercussions sur leurs vies !

Actes et conséquences.

Acte : j'essaye de me faire de nouveaux amis.

Conséquences : Anne leur fait bien comprendre que ce ne sera pas possible, et ils disparaissent de ma vie, sans que je ne sache pourquoi...

Enfin, si. J'aurais bien ma petite idée... Mais rien qui ne puisse le prouver.

De toutes façons, personne ici ne voudrait devenir mon ami.

Après tout, je suis Beverly Abbott.

La garce. La peste. La... En fait, je vais m'arrêter là.

Il fallait pourtant que je réfléchisse à un plan.

Un plan capable de me défendre des manigances Anne.

Un plan capable de la faire tomber.

Montrer son vrai visage ne sert à rien ; tout le monde le connaît.

Alors que faire ?

- Beverly ? Pourquoi t'es-tu enfermée dans la salle du club de musique ?

Heaven venait d'entrer dans la pièce et avait été assez confuse de me trouver recroquevillée par terre, les mains sur les oreilles et les yeux dirigés vers elle.

- Je fuis., ais-je répondu très simplement, comme si c'était une évidence.

J'étais impassible, je ne montrais strictement aucune émotion, ce qui renforçait le fait que cette situation était... bizarre.

- Tu ne devrais pas être ici., continuais-je, en faisant la même tête et avec le même ton.

A côté de moi, il y avait le livre que Craig m'avait donné, ouvert en grand à la page du chapitre 3 : Solidarité.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Un remède.

- A quoi ?

- A mon malheur. Je suis désolée, Heaven, mais je ne suis pas du tout d'humeur à répondre à des questions, tout de suite. Tu ne devrais pas être là.

- En fait, si... Je fais parti du club de musique et... on commence dans vingts minutes.

J'ai frotté mes yeux, comme si je me réveillais, et je m'étais excusée auprès d'Heaven, qui s'était mise à rire.

Pourquoi fallait-il que les gens rigolent dans des situations comme celle-là ?

Puis elle s'est tut, le sourire aux lèvres, et me fixa un instant, prête à rire à nouveau.

- Il va falloir que j'y aille, alors.

- En fait, as-tu parlé à Craig ?

Je me figea immédiatement. Son regard avait changé. Elle était sérieuse, impassible.

La réponse à la question était non, évidemment que non.

Comment faire ça, après tout ce que je lui avais dit ?

- A voir ta tête, j'imagine que c'est un non. Tu devrais pourtant. Je crois que vous avez encore beaucoup de choses à vous dire.

Sa voix était forte, mais elle est exprimait une certaine émotion... De l'inquiétude, peut-être ?

- Pas maintenant. Ça pourrait être... dangereux.

- A cause d'Anne ? Tu ne devrais pas la laisser avoir autant de pouvoir sur toi. Et puis, je pense que tu devrais aussi laisser les autres faire leurs propres choix.

Je me sentais exténuée, d'un coup. Je n'avais pas envie de rester là, à parler d'Anne.

Je n'avais pas envie que l'on me fasse la morale, encore moins pour m'étaler devant moi les dernières erreurs de ma vie.

Même si elle avait raison.

- J'y réfléchirai. Merci, Heaven.

J'y réfléchirai.

Quelle réponse débile ! Vraiment puérile, en vérité.

J'ai préparé mon sac (il fallait bien que je range le livre !) et je suis sortie d'un pas très rapide, furtif, même.

Je n'en pouvais plus !

J'étouffais.

Et il était hors de question que je fasse une crise. Pas ici. Pas maintenant.

Alors, je me mis à respirer profondément. Très profondément.

Bon sang.

Rester seule ne me plaisait pas et me renfermait sur moi-même, mais être entourée me faisait paniquer.

Woah. Quel choix...

Tant que je ne tombais ni sur Anne, ni sur Craig (je n'étais pas vraiment d'humeur de lui parler, désolée !), je ne devrais pas faire trop de crises d'angoisses. Normalement.

Au moins, si j'avais besoin de parler ou de quoique ce soit d'autre, je savais que je pouvais compter sur Heaven.

Et, bien que cela me fasse bizarre, je me sentais mieux.

Bien mieux.

Comme si j'avais... une amie.


****


2016


- Beverly, saluut.

- Anne ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Elle était maquillée comme un camion volé, et habillé comme une actrice de film sur la mode, comme dans Le Diable s'habille en Prada, mais elle ne quittait pas ces bijoux un peu rouillés.

- Et bien... Je viens pour une proposition.

- Une... proposition ?

- Oui, tu vois... t'es devenue populaire et... plutôt jolie, alors...

- C'est censé être un compliment ?

Il est vrai qu'Anne n'avait pas la compétence de faire de bons compliments, mais là, c'était presque insultant.

- Et bien, là n'est pas la question. Je voulais savoir si tu étais prête à faire partie de ma bande ?

- De ta bande ?

- Oui, t'es sourde ? Alors est-ce que tu pourrais ?

- Oui. Oui, je pense que je peux le faire.

- Penser, c'est pas pouvoir.

- Je peux le faire.

- Bien. Alors, avant de commencer à faire partie de mon entourage, il y a quelques règles à respecter.

- Comme ?

- Règle n°1 : ne jamais me trahir. Jamais. Sinon, c'est à tes risques et périls. Je serais alors terrible avec toi. Et je ferais de ta vie un enfer !

Les secrets de Beverly AbbottOù les histoires vivent. Découvrez maintenant