Chapitre 1

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PREMIÈRE PARTIE : BLACKWATER DEPTHS
Home is where it hurts



Chapitre 1
What the future has in store, no one ever knows before




L'opossum était probablement mort depuis plusieurs jours, à en juger par son état de décomposition avancé et son ventre surnaturellement gonflé.

Lorsqu'il fut retourné à la demande de Kay et qu'une partie de la chair, celle qui était encore agrippée aux os, s'en détacha enfin dans un bruit peu ragoûtant pendant que la terre se mettait à grouiller, le type de l'usine se décomposa un peu lui aussi. Kay regarda son visage joufflu s'affaisser et pâlir.


— Oh merde, lâcha-t-il.


La jeune femme s'abstint de commentaire. Le spectacle ne la ravissait pas spécialement non plus, mais elle avait déjà un peu plus l'habitude. Elle secoua sa cheville gauche, dont la botte s'enfonçait doucement dans le sol fongueux typique de cette zone. Autour d'eux, les grands chênes et les tamariniers conservaient soigneusement l'humidité ambiante sous leur canopée étouffante. Johnny, son collègue spécialiste de la faune, ne se gêna pas pour commenter, lui :


— Merde en effet. Comme ce qui sort des eaux usées de votre usine et qui a bouffé notre copain ici présent de l'intérieur.


Le type en costume reprit du poil de la bête, pour ainsi dire, et se rebiffa dans un hoquet d'indignation.


— Comme vous y allez, vous ! Rien ne nous dit que cette bestiole est morte empoisonnée. La nature est cruelle.


Johnny jeta un coup d'œil perçant à Kay qui lui renvoya un haussement d'épaules fataliste.


— En fait, si, expliqua la jeune femme en venant s'accroupir près de l'animal à son tour, un mouchoir sur le visage pour faire écran à la puanteur. Disons qu'on a déjà des indices. Les restes de vomi autour de lui, les pattes noircies et recroquevillées, ou encore ces plaques sur la peau, là, vous voyez ? Pour ne citer que ces exemples. Ça indique assez clairement une intoxication, c'est juste l'origine qui reste à prouver.

— Approchez-vous, se moqua Johnny, vous verrez mieux.

— Je suis bien là où je suis, merci, se raidit l'autre.

— Tant mieux pour vous.

— Je croyais que c'était lui, reprit l'homme en désignant Johnny et son sourire de guingois, le spécialiste des animaux.

— Tout à fait, mon expertise à moi c'est la qualité de l'eau. Du coup, je m'y connais pas mal en symptômes d'empoisonnement aussi.

— Ah. Mais du coup, même s'il a été empoisonné, vous l'avez dit, ça ne prouve pas –

— On va faire des prélèvements, comme je vous l'avais annoncé, reprit Kay, patiente. Je peux vous parler un instant, monsieur Stampano ?


La jeune femme fit gracieusement signe à l'homme et ils remontèrent ensemble la petite butte qu'ils avaient descendue pour s'approcher du cadavre. L'air déjà chaud malgré l'heure matinale était saturé de senteurs végétales plus ou moins décomposées.

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