Chapitre 23

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Alyssa

Le jour J est arrivé : après des semaines de préparation, le spectacle d'hiver a lieu ce soir, dans le plus grand amphithéâtre du campus. J'en franchis les portes aux alentours de seize heures, prête pour affronter les dernières heures de répétition avec la troupe. Comme nous l'informent les co-organisateurs de cet événement, j'ai nommé Theo Parks et ma merveilleuse amie Lauren Rivers, nous avons trois heures pour répéter l'ensemble du spectacle avant de pouvoir aller nous maquiller et enfiler nos tenues de scène. Début des hostilités à vingt heures précises. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel en entendant le ton autoritaire de Lauren lorsqu'elle nous donne notre ordre de passage.

Elle semble être sur le point d'étriper quiconque ne serait pas en accord avec son programme... L'espace d'une seconde, je suis tentée de la titiller sur le sujet, mais je finis par laisser tomber en la voyant me foudroyer du regard. Elle semble vouloir m'avertir, moi plus que les autres, du calvaire qu'elle me ferait subir si je la contrariais. Je ris sous cape en lui souriant malicieusement.

- Le crew, vous passez en dernier, déclare Lauren en utilisant exprès le terme « crew » et non pas troupe qu'elle trouve « immature et infantilisant ».

A nouveau, je lève les yeux au ciel. Cela n'échappe pas au regard de lynx de mon amie : elle vrille à nouveau ses pupilles dans les miennes, l'air mauvais.

- Tu ferais mieux de ne pas me décevoir, Alyssa Gates, m'apostrophe-t-elle en haussant la voix pour être sûre d'être entendue de tous. Ne gâchez pas ce privilège, toi et ton crew.

- Chef, oui, chef ! réponds-je en faisant le salut militaire.

Au tour de Lauren de lever les yeux au ciel tandis que quelques ricanements accueillent ma bêtise.

- Oula, elle n'a pas beaucoup d'humour celle-là, me chuchote Davis, le leader de notre groupe de danseurs.

- Détrompe-toi ; c'est juste que là elle est très stressée, lui fais-je en adoptant le même ton.

- Mmh... fait-il, l'air sceptique.

- C'est une de mes meilleures amies, crois-moi quand je te dis qu'elle n'est pas aussi garce que ça d'habitude, reprends-je en lui faisant un clin d'œil.

- Si tu le dis.

Nous sommes interrompus par un coup de sifflet – Oh, Lauren... qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ? – et nous nous installons dans un coin de la scène, avec le reste de la troupe, pour effectuer nos échauffements. Nous ne prêtons pas beaucoup attention aux numéros qui répètent pendant ce temps-là, trop concentrés sur nos gestes et l'échauffement de nos muscles. Alors que j'effectue un grand écart au sol, je repense à ce que vient de dire Lauren et j'espère comme elle que je ne vais pas gâcher cette chorégraphie.

En intégrant le groupe de Davis, je ne m'attendais pas à ce qu'ils confient à la petite nouvelle la partie solo de la danse. J'ai été surprise et très touchée qu'ils aient suffisamment foi en moi pour me donner cette chance... à leur place, je ne sais pas si je l'aurais fait. J'espère sincèrement être à la hauteur de leurs attentes ce soir. Le solo ne dure que deux petites minutes, mais ce sont les plus cruciales de la chorégraphie : c'est dans ces deux minutes que passe le message fort de la danse. C'est là que l'émotion s'exprime en explosant tel un feu d'artifice. Je connais l'enchaînement par cœur, mais cela ne suffit pas. En danse comme dans tant d'autres arts, il faut vivre et ressentir les émotions pour exprimer toute la justesse des mouvements de la chorégraphie. Il faut que ça soit technique et poétique à la fois pour que ça marche. Et il faut que ça marche.

Exception - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant