Chapitre 32

955 163 155
                                    


Evannah

Le silence pèse entre nous, dans le salon de mes parents. Assise sur le canapé avec Garrett à mes côtés, je tors mes mains dans tous les sens. Le mot « nervosité » n'est pas assez fort pour exprimer ce que je ressens en cet instant. Je déglutis rapidement et zyeute en direction de mon fiancé, préférant jauger sa réaction plutôt que celle troublante de mes parents. Garrett me regarde lui aussi, il semble aussi perplexe et inquiet que moi. Ses yeux font l'aller-retour entre eux et moi, et les traits de son visage se creusent davantage à mesure que les minutes s'égrènent. Je me racle la gorge avant de me tourner à nouveau vers mes parents.

- Dites quelque chose, les supplié-je dans un filet de voix.

Leur mutisme est plus assourdissant que tous leurs cris réunis. Cela fait quinze minutes que je me suis arrêtée de parler, mais aucun son ne s'est encore échappé de leurs lèvres, même si j'ai perçu quelques sanglots étranglés émis par ma mère. Leurs regards restent résolument baissés sur leurs pieds, refusant de croiser le mien. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine, mon sang pulse dans mes tympans ; je ne supporte plus ce silence, j'ai l'impression que je vais devenir aussi folle que mon frère si ça continue.

- Je comprends que vous soyez en état de choc, tenté-je en les regardant tour à tour, mais nous devons agir rapidement à présent...

A ces mots, leurs têtes se redressent d'un bloc, et leurs yeux perdus se posent sur moi. Je referme la bouche, incapable de poursuivre.

- De quoi est-ce que tu parles ? me demande mon père, l'air indéchiffrable.

- De Shane, balbutié-je, perdue à mon tour. Nous... nous devons faire quelque chose pour l'aider. Il est malade, on ne peut pas...

- Ce ne sont que des mensonges ! tonne la voix courroucée de mon père.

Il bondit de son siège, la rage personnifiée, le corps parcouru de violents tremblements compulsifs et le visage rougi par la colère. Je fixe, les yeux ronds, la transformation soudaine de mon père, trop choquée encore pour avoir peur de lui. Je ne l'avais jamais vu dans un état pareil. Je vois du coin de l'œil ma mère se recroqueviller un peu plus sur elle-même avant que l'être féroce qui me fait face ne reprenne la parole.

- Elle ment, hurle mon père, les yeux brûlants. Toute cette histoire, c'est elle qui l'a inventée, c'est la seule explication ! Mensonges ! vocifère-t-il à nouveau en serrant les poings. Shane va très bien, putain.

Je continue à fixer mon père, ébahie. Ma mère tente de le calmer et de le refaire s'asseoir dans son fauteuil en parlant d'une voix douce et chevrotante. Je les regarde faire, et aussi vite que s'est déclaré l'accès de folie de mon père, en une seconde ce dernier se laisse tomber dans son siège, l'air à nouveau dévasté et hagard. Comme si la crise qu'il venait de nous faire ne s'était jamais produite.

Indépendamment de ma volonté, mon corps se meut tout seul, me faisant redresser le dos, serrer mes mains en poing et contracter la mâchoire. Une vive colère prend le dessus sur toute autre émotion, et explose à la figure de mes parents :

- Comment peux-tu parler de mensonges alors que c'est moi qui viens vous parler de tout ça ? Moi et personne d'autre ! Tu crois que j'aurais inventé toute cette histoire pour vous faire du mal ? Tu crois que j'ai envie de toute cette merde dans ma vie ? éructé-je en foudroyant mon père du regard.

- Tu t'es fait berner, murmure-t-il.

- Berner ? Et par qui donc ? poursuis-je, hors de moi. Par mon propre frère, tout à l'heure au téléphone, qui m'a incendiée et hurlée dessus ? Par l'air sincèrement dévasté d'Aly ? Ou bien par les paroles d'une ancienne copine de lycée qui est prête à rapporter ces mêmes paroles devant un tribunal si besoin est ?

Exception - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant