7. La Nuit du Chasseur

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Tome 2, VII.

Je n'arrêtais plus d'y songer. Les dernières paroles de David me hantaient sans relâche.

Alec était vivant. Et à la seconde où je le compris, son regard vint immédiatement perturber mon sommeil.

La mort de mes deux amis m'affecta durant un long moment, mais il avait fallu qu'il apparaisse à son tour, sa douce et grave voix animant mes nuits, le fantôme de ses mains se posant chaque soir sur ma peau, ses yeux perçants alimentant l'inépuisable flamme que je m'efforçais de dissimuler.
Sa brusque et si soudaine apparition vint profondément perturber mon esprit. Alec était constamment là, ses doigts se glissant entre les miens aussitôt les yeux fermés. Comment, après tous ces événements, pouvais-je encore penser à lui de la sorte ?

Encore incapable de faire mon deuil, je ne pouvais laisser son souvenir masquer la réalité. Mais impossible de m'en empêcher. Il n'y avait qu'à travers ce monde que je m'autorisais à le regarder, à le toucher, à l'aimer, à l'adorer de toutes mes forces.

Une telle passion que je ne pouvais même plus envisager une fois éveillée. Je me forçais tellement à le haïr. Mon affection pour ce prince fou salissait le souvenir de mes amis perdus. Je ne pouvais plus le considérer ainsi, je ne le devais plus. Mais là aussi, je n'arrivais pas à l'arrêter. Il était toujours là, dans ma tête, dans mes rêves, sur ma bouche, sur ma peau, incrusté au plus profond de mon être.
Tellement d'atrocités, tellement d'affection. Tellement de malheur, tellement d'amour.

Je ne cessais de l'entendre m'appeler la nuit, sa voix m'habitant encore en ce moment.

Assise au centre de la grande place d'Aros, la ville déserte, endormie, les échos d'Alec résonnaient dans ma tête. Mais les paroles de Quirin parvinrent cependant à progressivement me ramener à la réalité. J'avais un accord à tenir, une mission à accomplir, avec à la clé un billet retour pour Liota. Néanmoins ces derniers jours ma vision des choses avait changé. Je ne faisais plus ça que pour moi, je le faisais aussi pour les familles comme celle de Shar, pour ces pauvres gens que le monde avait choisi d'ignorer et de laisser sans défense.

La situation des autres semblait de plus en plus me préoccuper. J'allais partir d'ici, c'était certain, mais pas avant d'avoir débarrassé Aros de sa vermine.
D'ailleurs qu'attendait-elle pour se montrer ? J'étais prête à l'affronter.
Plongée dans l'obscurité la plus totale, la forme des tours de la ville n'était même plus visible. Du moins, pour les humains. Du coin de l'œil, je voyais cette petite fenêtre faiblement éclairée à la bougie non loin au-dessus de moi. Derrière la vitre, probablement les silhouettes de Shar et les autres, tous essayant difficilement de me voir à travers la nuit noire.

Après des jours à rester enfermée dans ce petit appartement, j'avais enfin décidé d'agir. Sur un coup de tête, je fonçai sans tarder à l'extérieur, là où personne n'osait plus s'aventurer.

Mis à part les récits macabres d'Abaya sur les Mimes, je ne savais rien d'eux. Je ne savais encore moins comment les repérer. Mais ce soir, c'était à eux de me trouver.

Gonflée à bloc, le sang de Shar infiltrant doucement mes veines, j'étais prête. Je n'avais pas peur, j'étais même impatiente.

Impatiente de me battre, de me défouler un bon coup, d'évacuer toute cette colère.

Peu importe ce qu'ils étaient réellement, je les attendais.

— Attention..., murmura-t-on non loin de moi.

Au son de cette soudaine voix, je me raidis sur-le-champ, mes yeux se fermant aussitôt. Ça commençait.

— Attention à la nuit...

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant