13. Iridescence

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Tome 2, XIII.


Plus les jours passaient, plus il me devenait difficile de garder mon calme. Nous en avions assez de jouer les servantes et d'être à la disposition l'arrogante cour d'une fausse reine. Et l'une de nous manquait déjà à l'appel. Méda avait disparu en cours de semaine. Son lit dans le luxueux dortoir dans lequel nous logions toutes avait été entièrement défait, ses quelques affaires demeurant elles aussi absentes. Intérieurement, c'était la panique, nous ne contrôlions absolument rien. Cette situation était insupportable. Nous étions toutes à bout, plus angoissées que jamais à l'idée de voir l'une d'entre nous disparaître à jamais, à l'idée d'échouer. Setrani et Tara tentèrent à plusieurs reprises de la retrouver, se faufilant à leurs risques et périls dans plusieurs couloirs interdits, mais en vain. Et comme si cela ne suffisait pas, nous apprîmes par les nouvelles recrues que les attaques avaient recommencé. Les Mimes sévissaient de nouveau en masse. D'ici peu, le marché nocturne allait disparaître, la peur reprenant complètement le contrôle d'Aros.

Lustres éblouissants et brouhaha incessants, soirées arrosées et nuit sanglantes, c'était un cauchemar en perpétuelle répétition. Et la possibilité d'enfin en sortir s'éloignait de plus en plus avec le temps. Elensia se faisait étrangement discrète, les apparitions d'Alec devenaient bien trop rares, ce qui ne manqua pas de m'inquiéter. Je lui faisais confiance, mais son absence ne faisait qu'empirer notre état à toute. Nous avions besoin d'informations, de réponses. J'avais besoin de lui pour enfin lancer mes directives.
Je pouvais sentir sa présence la nuit, lorsque les odeurs de sang reprenaient. Je l'imaginais lutter aussi difficilement que moi, que Lussi, et je ne pouvais m'empêcher de penser à Méda, de prier pour qu'il ne s'agisse pas d'elle.

Ne rien faire me bouffait de l'intérieur, j'allais bientôt exploser. Alec devait absolument se manifester et trouver un moyen de venir à moi.

— Tout ce rouge me donnerait presque des envies de meurtre, fit Lussi en resserrant fermement le nœud de sa robe écarlate.

— Non, il ne faut pas ! s'affola Sil en l'entendant.

— Je plaisantais, jeune fille. Enfin, je crois. Le cou de ma gentille collègue de cuisine me manque un peu.

— Mesdemoiselles, par ici je vous prie, s'écria tout à coup un homme en faisant son entrer dans le dortoir.

Nous nous retournâmes aussitôt vers lui, son chic costume trois-pièces carmin attirant immédiatement mon regard.

— Vous êtes habillées, c'est très bien, continua-t-il. Monsieur Maor ne sera pas votre mentor ce soir, il accompagnera en effet notre souveraine tout au long de la fête. Je me chargerais donc de vous diriger durant cette soirée si spéciale.

Lussi et moi échangeâmes un bref regard méfiant. Et tandis que mes yeux s'aventurèrent de nouveau sur le physique assez atypique de l'homme, les instructions qu'il se mit à nous donner vinrent brusquement me perturber.
Les rôles jusqu'ici habituels de chaque servante avaient soudainement changé. Les filles des cuisines se devaient désormais de se mélanger aux invités, de les divertir, tout en s'assurant de garder leurs verres pleins. Puis il y avait celles comme moi qui, d'ordinaire présentes en salle pour remplir ces mêmes tâches, se voyaient maintenant confier la gestion du service principal.

— Vos tenues sont précieuses, ne les abîmez pas, dit-il enfin avant de s'en aller.

Toutes semblaient visiblement ravies de pouvoir enfin participer aux festivités, du moins la majorité. Je ne pouvais pas en dire autant. Pourquoi ces soudains changements de plan ? Et ces tenues rouges ? Personne ne s'habillait de la sorte à part elle, cette tarée qui ne cessait de colorer ses paupières de poudre d'or et de sang.

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant