12. Marquée

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XII.

Perchée au-dessus du vide, je regardais l'eau tourbillonner dans les courants du fleuve. Le corps dangereusement renversé contre la rambarde, la tête relevée, j'observais d'un air songeur les quelques péniches qui passaient. Je me balançais doucement, ignorant les passants et leur regard inquiet en me voyant me pencher. 

Je sentais l'angoisse de tous flotter autour ; le léger stress que leur corps dégageait dès qu'ils passaient près de moi. Que craignaient-ils ? Que je passe par-dessus ? Que je me noie ? Je souris à cette idée. Me noyer... C'était bien la dernière chose capable de me tuer. 

Le vent s'intensifia et fit voler mes cheveux dans tous les sens. Je fermai les yeux et m'imprégnai encore un peu de la brise hivernale. J'entendais l'eau s'agiter, s'échouer violemment contre la coque des bateaux qui se frayaient un chemin sur les flots. Je me perdis dans le son des vagues. 

Au même moment, mon téléphone se mit à vibrer dans la poche de mon jean et une présence pesa sur moi. Je me redressai et consultai mon portable.

« Derrière toi. »

C'était Alaka. Je ne l'avais pas revue depuis la venue d'Alec. Je n'avais revu personne d'autre.

Après des jours de silence, je lui avais finalement demandé de me rejoindre sur ce pont en fin d'après-midi. Elle était la seule à pouvoir me fournir ce dont j'avais besoin. Je me retournai et l'aperçu qui s'approchait de moi, le visage fermé.

— Où étais-tu ? Ça fait des jours qu'on te cherche !

Je ne répondis pas et me contentai de la regarder s'agiter devant moi.

— Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi personne n'a de tes nouvelles ?

Seth ne lui avait-il donc rien dit ? Il était encore plus lâche que je l'avais imaginé. Je détournai la tête et fis mine de m'intéresser au couple à côté de nous en train de se prendre en photo. Je n'avais pas contacté Alaka pour répondre à ses questions, c'était à elle de répondre aux miennes.

— Veky ! s'écria-t-elle en se replaçant devant moi.

— Où est le siège de l'Ordre ? finis-je par dire.

Elle fronça des sourcils.

— Hein ?

— Je sais que tu connais cet endroit.

— Où veux-tu en venir, enfin ?!

— Balthazar fait partie de l'Ordre, non ?

Alaka se raidit, visiblement perturbée par ma question.

— Cela fait des jours que tu ne donnes plus de nouvelles, et lorsque tu te décides à te manifester, c'est pour me parler de Balthazar ?

J'espérais que notre entretien ne dure pas, mais vu la tournure que cette conversation prenait, c'était mal parti.

— S'il te plait, Alaka.

Elle me dévisagea un moment d'une mine sévère.

— Pourquoi ? 

— J'ai quelque chose à faire là-bas.

— Ça, je l'avais compris. Je te demande juste pourquoi.

— J'en ai besoin, c'est tout.

— Très bien.

Alaka s'en alla.

Merde.

— D'accord, d'accord !

Elle s'arrêta et revint lentement vers moi, un petit sourire en coin. 

Je me reposai contre la rambarde et croisai les bras.

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant