23. Blanc neige

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XXIII.


Je n'avais absolument aucune idée de ce que j'étais en train de faire ni de ce qu'il allait se passer. Je m'étais mise à faire les cent pas aux alentours de l'Opéra, le regard plein d'incompréhension et d'étonnement des quelques passants ne cessant de se poser sur moi en me voyant errer dans les rues habillée de la sorte. Mais je ne le regardais même plus, mon esprit complètement engloutit sous le poids de cette annonce à laquelle je ne parvenais toujours pas à me faire. Je me sentais impuissante, la situation m'échappait totalement. Je m'arrêtai soudain net, le visage de Seth m'apparaissant subitement en tête. Que pensait-il de tout ça ? Peut-être était-il lui aussi contre tout ce plan fou ? Connaissant son tempérament, je le sentais parfaitement capable de contester cette idée et me suivre !

Seth, contester tout et n'importe quoi, d'accord. Mais... son Dirigeant ?

Je déglutis de nouveau. Il était impossible qu'il puisse se rebeller, ni face à lui, ni à l'Ordre, et encore moins à l'Élite, cette famille qu'il affectionnait plus que tout, celle qui avait fait de lui le combattant qu'il était.
Alors, je réalisai soudain je me trouvais désormais complètement seule face à une centaine de vampires fous et inconscients prêts à rayer ce monde de leur vie de façon définitive.
Je me remis machinalement à avancer, les yeux rivés sur ces escarpins hors de prix que je m'efforçais de supporter.

— Tout ça pour ça..., dis-je d'un air dégoûté.

Prise d'une brusque pulsion pleine de rage, je tournai dans une petite ruelle et arrachai littéralement les chaussures de mes pieds, déchirant sauvagement la bride entourant chacune de mes chevilles.

— Tout ça pour ça ! m'écriais-je en balançant la paire contre le mur.

Immédiatement je montai en pression, la chaleur de mon corps grimpant dangereusement.

— Hey !

J'étais tellement absorbée par toute cette histoire — et la colère n'arrangeant en rien mon état — que je n'en remarquai même pas cette présence. Je me retournai aussitôt, mais ne vis personne.

— Hey !

La même voix de femme s'éleva de nouveau, me faisant immédiatement me mettre en garde. Les passants se faisaient de plus en plus rares dans le coin, le froid et la nuit les poussant à se réfugier au chaud. Il n'y avait quasiment plus personne, pourtant les appels continuèrent une troisième fois. Étouffés, sourds, ceux-ci me parurent lointains. Je me retournai alors subitement sur le côté, mon radar interne captant soudain de la chaleur, une respiration, un cœur. Sans réfléchir plus longtemps, je m'élançai d'un pas sûr dans le fond de la ruelle, ignorant complètement les quelques graviers et ordures sous mes pieds nus. Quiconque essayait de m'effrayer était sur le point de le regretter. J'étais dans une phase d'incompréhension totale qui à tout moment pouvait me faire replonger dans les filets de mes pires démons. Mes crocs commençant doucement à se dessiner sous mes lèvres, je m'approchai de ces gros conteneurs et fis aussitôt basculer l'un d'eux au sol d'un simple coup de la main. La benne s'écrasa lourdement au sol.

— Ugh !

Une silhouette roula alors au milieu de tous ces déchets, la puanteur de cette poubelle géante m'arrachant une légère grimace. Malgré l'odeur, je n'hésitai pas un instant et contournai rapidement le conteneur avant de grimper sur la pile d'ordures, salissant encore plus le bas de ma robe. D'un geste vif du pied, je tirai le corps gigotant dans tous les sens jusqu'à moi et la retournai sur le dos, sa figure pleine de crasse désormais face à la mienne.

— E-Eh bien, si je m'attendais à ça... ! lâcha Maryse, visiblement plus surprise que moi.

Je restai de marbre, mon regard analysant dangereusement les moindres détails du visage de la traîtresse allongée à mes pieds. Très bien ligotée, bâillonnée à presque ne plus pouvoir en respirer, je laissai planer ce long silence pendant un moment interminable. Et lorsqu'elle voulut parler à nouveau, je soulevai la jambe et vint aussitôt l'appuyer contre sa gorge, la coupant sur-le-champ. Elle gémit difficilement, ses yeux se plissant de douleur. Je pouvais lui écraser le cou à tout instant, briser sa nuque et la réduire en miettes.
Je n'avais qu'à me laisser aller, qu'à laisser la petite voix du diable entrer de nouveau dans mon esprit. C'était cette fois tellement simple de me venger, un minuscule mouvement et sa vie s'envolait à jamais.
Tout comme ma conscience.

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant