Chapitre 29

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Notre diligence est secouée dans tous les sens à cause des pavés de la route. Le soldat ne dit rien, il s'est juste assis sur l'un des deux bancs, qui longent les parois de la cellule.

Je lui jette un regard, avant de me redresser faiblement. Je me lève, titube à cause du manque de stabilité et me rattrape à la porte. Je pose les mains sur les barreaux de la petite fenêtre. Mon front s'appuie contre le métal et j'observe l'extérieur.

Dehors, les rues sont bondées. Tout le monde hurle, de joie ou d'horreur. Il y a des soldats partout, créant une ouverture dans la foule trop dense.

"- Je vais mourir, murmuré-je comme une évidence, tout en fixant l'horizon à travers les barreaux."

Mon coeur se serre et mes jambes se mettent à trembler. Des larmes de désespoir commencent à rouler le long de mes joues.
Je répète cette même phrase, sans pouvoir m'arrêter. Mes lèvres sursautent et peinent à articuler. Mes mots ne ressemblent plus qu'à un gémissement plaintif.

Ma carapace se fissure. Je vais mourir et je me sens plus seul que jamais.

Alors que je commence à perdre la raison, mon corps tremblant de toute part, je sens une main se poser sur mon épaule. Je tourne les yeux vers le soldat. Ses yeux sont rassurants.

"- Comment pouvez-vous emmener quelqu'un à la mort avec une expression si sereine ? Demandé-je avec une voix entrecoupée.

- on ne choisit pas son destin, moi je reste serein face à tout.

- comment faites-vous ?

- Quand on a vécu le pire, tout le reste parait bien fade. Me dit-il avec une voix froide."

Mon corps glisse contre la porte, je m'agenouille sur le sol glacé. Je sens que cet homme est d'un calme froid, mais qu'il est écorché vif à l'intérieur. Il peut tout affronter avec le même regard et je trouve ça impressionnant.

"- Calme toi, me conseille-t-il d'une voix plus douce. Paniquer n'arrangera rien, tente de rester lucide.

- vous avez raison."

J'essuie mon visage humide avec mes mains sales, une dernière larme solitaire s'échappe de mes yeux et glisse le long de ma peau.

Je me redresse, levant le menton pour regarder l'homme dans les yeux.

"- Nous arriverons bientôt, et quand tu sortiras, il ne faudra pas flancher. Ajoute-t-il "

J'acquiesce en silence, ses mots réveillent peu à peu mon courage.

Il se lève, s'appuyant à la paroi pour ne pas perdre l'équilibre. Les murs et le sol tremblent, tandis que le bruit des sabots qui martèlent le sol, résonne avec violence.

Mais il semble ne pas faire attention à tout ça.
Son corps parait fatigué mais encore fort et ses yeux cernés transmettent sa force de caractère. Je ne sais rien de lui et pourtant, je sens qu'il est ma seule accroche en cet instant.

De sa main libre, il sort la lame sacrée de son fourreau. Je le fixe, cherchant à comprendre où il veut en venir. Il la pose successivement sur mes deux épaules, avec un air grave. Comme on adoube un chevalier.

"- Tu es vaillante, sois fière de tes actes et reste droite face à la défaite. Que le destin te soit clément. Et si tu crois en un quelconque dieu, prions pour qu'il veille encore un peu sur toi."

Je ferme les yeux un instant, acceptant sa prière. Mon corps est calme, je me sens maintenant tout aussi sereine que cet homme.

"- merci, murmuré-je. "

Il se rassoit et range l'épée, sans rien ajouter.

Le cortège funeste s'arrête. J'entends la foule hurler. Je comprends que nous sommes arrivés.
A cet instant, l'aura de la mort plane autour de moi, faisant frissonner ma peau.

Les soldats à l'extérieur se mettent en place, j'entends le hennissement des chevaux qui s'agitent.

On ouvre la porte. Derrière moi, le soldat s'est levé et d'un signe de main, me fait comprendre qu'il est temps. Nous échangeons un dernier regard.

Je pose un pied dehors. Des hommes m'entourent. La place s'offre à moi, bondée. Le gibet se dresse lugubrement au milieu de celle-ci. Derrière lui, sur une tribune, siège les gens les plus important d'Arya.

On me pousse dans le dos pour que j'avance. Pendant ce temps, le regard du roi croise le mien, je ne lui accorde que du dédain.

Tant de gens sont présents, Je les observe avec une sorte d'étonnement.

Mes parents sont-ils parmi eux ? Vont-ils assister à cet horrible spectacle ?

Je me rapproche de la structure en bois. Au pied des escaliers de celle-ci, m'attend un mage dans des habits noirs.

Ici, tout respire la mort.

Je fixe la corde qui pend mollement sur le gibet. Je passe mes mains le long de mon cou en déglutissant. Rien que d'imaginer son contact dur sur ma peau, m'arrachant mon dernier souffle... J'en tremble d'effroi.

Des gens scandent mon nom, il y a tellement d'agitation que je ne sais où donner de la tête. Un bourreau m'attend sur la potence.

J'ai peur, je sens que tout va se jouer dans les moments qui viennent. Mais ce soldat, dont je ne sais même pas le nom, m'a redonné espoir.

Alors j'avance, quoi qu'il advienne.

J'arrive à la hauteur du mage. Il tend une main vers mon front pour me bénir, je fais un mouvement de recule.

"- Ne me touchez pas. Ordonné-je d'une voix rauque."

La foule me hue, mais le mage n'insiste pas et s'écarte. Je monte les premières marches d'un pas résigné. Un soldat me suis, j'entends le grincement des lattes sous son poids.

Je pose un pied sur la plateforme, je suis face au Roi. Il semble satisfait, comme s'il regardait un simple divertissement.

La foule se tait soudain, comme un seul homme. Un silence lugubre s'installe sur les lieux.

On me force à avancer vers la corde. Mes mains se crispent. Ma peau devient moite.

Alors que je parcours la population silencieuse des yeux, une visage m'interpelle. C'est l'entraîneur, je le reconnais sans hésitation.

Il sourit, je me fige. Il sourit de toutes ses dents. Un sourire carnassier, une joie malsaine.

Je vais mourir et il s'en réjouit.

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant