Chapitre 45

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J'étais toujours immobile, alors que des sans-âmes lancés à vive allure me frôlèrent dans leur course folle. Leur seul but était de l'atteindre, elle. Ils n'avait même pas fait attention à moi. Ils étaient nombreux.

Je fronçais les sourcils, en attachant un pan de mon long manteau dans mon dos. Il était temps d'agir, je ne pouvais pas la laisser mourir comme ça, surtout après ce que je venais de voir. Jamais je n'avais rencontré quelqu'un comme elle auparavant.

Je me mis à avancer d'un pas déterminé sur les traces des monstres. En même temps, je passais ma main pour décrocher l'arme qui m'avait choisi à mon éveil.

Enroulée autour de ma taille, c'était une longue chaîne en acier, où pendaient de chaque côté deux dagues très fines et élancées. Je m'étais habitué à me battre avec cette arme bien particulière, venant à la manier mieux que quiconque.

Dès que je pris les petites dagues reliées en mains, Le métal s'illumina et je senti une décharge chaude parcourir mon corps. J'étais prêt à en découdre.

Je ne tardai pas à pister la jeune fille, qui s'était retrouvée bloquée sous le corps mourant d'un sans-âme. Deux victimes en un soir, impressionnante.

Je me campais sur mes jambes, les autres n'allaient pas tarder à arriver. J'avais peu de temps, je sentais qu'à côté de moi, bloquée sous toute la masse du monstre, elle agonisait.

Ils furent bientôt deux à m'encercler. Mes lames commencèrent à tournoyer au bout des chaînes, dansant autour de moi.
Le jeu mortel commença entre nous. Je défendis toute la nuit son corps évanoui. Jamais de ma vie, une telle fureur de combattre n'avait enflammé ma peau, je n'étais plus moi-même.

À l'aube, tout se calma. Un soleil timide se leva sur le pays et vint caresser mon corps épuisé. Je tombai à genoux, à bout de force, alors que le vent commençait à faire chanter les feuilles des arbres.
La forêt semblait renaître au milieu de ce champs de bataille, baignant dans le sang des cadavres. On ne voyait presque plus la terre humide sous toute cette horreur.

J'étais moi-même dans un triste état. Certains de mes habits étaient en lambeaux. J'étais lacéré au niveau de la cuisse et je ne reconnaissais plus ma peau sous tout ce sang noir.

Bientôt les hommes du villages nous trouvèrent et ils nous ramenèrent tous les deux au village, en vie.

À partir de ce moment, je n'étais pas retourné une seule fois voir la fille. Je ne me souviens même pas des traits de son visage. La seule vision qu'il me reste est celle de son corp meurtri, lorsque mes hommes l'ont dégagée. Elle semblait revenir de l'enfer.

...

Je frotte mes yeux, chassant cet étrange souvenir qui me hante. J'y repense souvent.

Je regarde autour de moi dans la grande salle, seulement éclairée par quelques bougies, abandonnées sur les tables.
Je me suis perdu dans mes pensées, je dois vite me rendre au poste de guet.

Je me lève avec difficulté, mon corps étant bloqué dans une douce transe. Je finis ma bière d'une traite pour me donner du courage et m'apprête à partir.

Seulement, je me fige. Je me retourne vers ma petite table, coincée dans l'ombre.
Le petit carnet est toujours posé sur le bord de la table. Je lui jette un long regard appuyé, hésitant.

Oh et puis quoi, ce n'est qu'un livre après tout... Me raisonné-je en l'attrapant, avant de saisir une lampe à huile de l'autre main. Voilà qui occupera ma nuit.

Je quitte les lieux pour sortir dans la nuit. La passerelle en bois grince sous mes premiers pas, alors qu'un vent glaciale balaye la nuit. Je marche d'une démarche rapide pour ne pas me laisser gagner par le froid.

Après quelques minutes à parcourir les longs pontons de bois, qui serpentent à travers le village, j'arrive sur un arbre fin mais bien plus grand que les autres. En haut de celui-ci, au nord du village en direction d'Arya, se trouve la tour de guet.
Des petites lattes en bois qui s'enroulent autour du tronc me servent d'escalier pour atteindre la cabane cachée entre les branchages.

J'entre dans l'espace contiguë et tombe sur le jeune soldat entrain de roupiller, adossé à la grande fenêtre.

Faut tout faire soit même, pensé-je, alors que je lui secoue l'épaule. Il se réveille en sursaut.

"- Bah alors tu dors ? Je ne suis pas sûr que tu vois grand chose les yeux fermés. Je lance, sarcastique.

- Oh, heu... Pardon, ce n'est pas...

- C'est bon, c'est bon. Garde tes excuses pour toi et dégage de là. Je prends la relève, tu peux aller dormir dans ton lit.

- Merci ! Dit il avec soulagement, en se frottant les yeux."

Il me salue en vitesse, avant de dévaler les escaliers sans demander son reste. Petit veinard, moi aussi j'aimerais bien aller dormir. En pensant à ça, je ne peux retenir un bâillement.

Après avoir posé la lampe à huile sur un tabouret, je me laisse tomber sur le vieux matelat en face de la fenêtre. Celle ci m'offre une vaste vue sur la forêt, tandis que l'horizon se perd dans un brouillard épais.

À cette distance, on ne peut pas apercevoir le royaume. C'est tant mieux, car ils ne doivent pas pouvoir apercevoir nos lumières. Quand les gens pensent que vous n'existez pas, vous n'avez pas de problème.

Alors qu'il n'y a pas âme qui vive dans le paysage nocturne, je décide de reporter mon attention sur le petit carnet.

Je commence à tourner les pages, sous le halo faible de la lampe. Voyons voir ça ...

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant