Chapitre 16

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Point de vue de Jonas

Nous avons fêté l'heureuse nouvelle avec ma famille et mon amie. La soirée s'est merveilleusement bien déroulée, mon père m'a même offert avec fierté un fourreau en cuir pour ma nouvelle épée. 

Quand Eraun est rentrée chez elle et que mes parents sont partis se coucher, je me suis retrouvé seul dans ma petite chambre au plafond voûté. Seul avec ma rapière.

Je n'ai pas pu m'empêcher de fixer la lame pendant des heures, repoussant le sommeil. 

L'épreuve de ma majorité repassait en boucle dans mon esprit, avec chaque détail, chaque sensation. Et surtout ce moment, où je me suis mis à hurler. J'ai eu si mal pendant ce bref instant, comme si on m'arrachait une partie de moi. Comme si on m'enlevait mon âme. 

Je sais que maintenant elle se trouve dans cette épée, ancrée dans le métal. Quand je la tiens, je me sens entier, je ne peux m'en écarter trop, au risque de souffrir. Elle est comme une partie de moi, comme le prolongement de mon corps. Et je comprends maintenant pourquoi chaque personne est si attaché à sa lame à Arya. Si elle se brise, je meurs, comme chacun de nous. C'est comme une évidence depuis que mon âme s'y trouve. 

Je l'ai fait miroiter à la lumière de ma lampe à huile toute la nuit. Je voulais juste voir cette lueur hypnotisante, ce reflet légèrement bleuté que seule une lame à âme peut produire. 

...

J'ouvre des yeux épuisés, réveil difficile. Je me suis finalement endormi sur ma rapière, avide de sommeil, assis en tailleur sur mon lit.

Dehors c'est l'aube. Je ne tarde pas à me lever pour étirer mon corps ankylosé par ma position. Des vêtements propres sur le dos, une brève salutation à mes parents, et je suis dehors. J'assiste au spectacle de la ville qui s'éveille. 

Je ne perds pas une seconde et marche en direction de la partie haute, pour me rendre  à l'audience qui concerne les jeunes choisis. Je me contente de faire ce que m'a demandé l'homme stricte de la veille. 

J'ai du mal à croire que je vais voir le Roi. Cet homme, on ne peut le voir que pour trois raisons quand l'on possède mon statut. Tout d'abord, à la cérémonie du changement d'année, où il fait un discours devant toute la population d'Arya.
En second Lieu, durant l'audience qui suit le passage de l'épreuve à la majorité. C'est mon cas.
Et Pour finir, en cas de délit grave, et mieux vaut éviter ce cas-là. Car, au mieux, vous êtes bannis. 

Un frissons parcourt mon échine, comme tous les habitants je tremble de peur devant l'exil. Je préférerais être mort, pour tout dire. En tout cas, nous, Les habitants de la partie basse, ne connaissons rien du pouvoir qui nous contrôle. Nous vivons dans l'ignorance et la peur, c'est ainsi. 

Mais cette vie me sied, je me sens bien et mes rêves me suffisent. Un jour, je serai soldat de la milice, et à ce moment là, de nouvelles portes s'ouvriront à moi. 

Aujourd'hui, je touche mon rêve du doigt. L'audience décidera de mon destin. 

Je cesse de penser pour m'attarder sur le décor qui m'entoure, et qui a changé au fur et à mesure de ma progression. Depuis quelques minutes, je déambule dans la partie haute, sans m'en rendre compte.

Ici, les rues n'ont rien à voir avec les nôtres, la différence est frappante. Tout est si propre, si soigné. Des pierres claires et sculptées avec merveille constituent la plupart des bâtiments. ce décor est parallèle et carré, d'une précision incomparable. même les plantes sont taillées à la perfection, symétriques en tout point. 

J'arrive devant l'immense palais. Les impressionnantes marches qui y mènent se dressent devant moi, et je ne tarde pas à les gravirent. Encore une fois, je me sens ridiculement petit. 

Cette architecture si fine et travaillée dans des proportions gigantesques, me coupe le souffle. Je n'en montre rien.  Deux soldats armés gardent les grandes portes recouvertes de dorures. celui de droite m'adresse la parole, dès que j'arrive à sa hauteur. 

"- Quelle est ton prénom ? M'interroge-t-il sans plus attendre. 

- Jonas, Monsieur. 

- Que désires-tu ? 

- Je viens pour l'audience, j'ai réussi l'épreuve. 

- Montre-moi ta lame petit."

Je m'exécute et sors mon arme de son fourreau, avant de lui présenter avec respect. il s'en empare avec précaution, puis, la porte vers le ciel pour voir son reflet sous la lumière. 

"- Elle porte bien une âme, affirme-t-il sans une once d'hésitation. Tu peux rentrer, patiente devant la grande porte de la salle de jugement avec les autres. Mon compagnon va t'y guider.

- Merci."

Il m'offre un discret sourire et recommence à faire le guet, fixant l'horizon avec le dos droit et une expression impassible. 

Le deuxième gardien me fait un signe de tête, m'invitant à le suivre. Les grandes portes s'ouvrent dans un long grincement, pour nous laisser pénétrer dans l'immense demeure royale. 

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant