Chapitre 17

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Chaque jeune est appelé à son tour dans la salle d'audience. Nous sommes de moins en moins nombreux derrière la grande la porte. Un silence de plomb règne dans l'air. On croise aussi par moment ceux qui ressortent, et leurs mines soulagées diminuent mon stress.

Pour me distraire, je fixe les luxueux décors de l'intérieur du château. Chaque meuble semble avoir une place réfléchie, tout est calculé, donnant une élégance froide et impersonnel au lieu.

Mon nom résonne, articulé par une voix grave et sans appel. Je jette un œil vers les autres qui partagent le même sentiment d'anxiété que moi. Le battant s'ouvre dans un grincement sourd qui me glace sur place.
L'ambiance tendue enserre ma gorge. J'ordonne tout de même à mon corps de se mettre en marche, pour pénétrer à l'intérieur.

Chacun de mes pas est calculé, j'aimerais me fondre dans le paysage. Quand j'arrive dans l'enceinte animée par des débats, je suis aussi discret qu'une ombre. Sans plus tarder, je me glisse aux côtés de mes camarades déjà présents.

De grand gradins en bois sculpté, se dressent devant nous dans cette immense salle. Les personnes les plus affluentes de la cité y trônent. Je me sens inexistant.

Mes yeux sont baissés vers le sol, cherchant à fuir la puissance de ces hommes qui se dressent devant nous. Je m'incline avec respect et non par soumission, préservant ma dignité.

Le jeune avant moi est appelé sur une sorte de pupitre, qui siège en plein milieu de la pièce. Ses mains sont moites, son regard est peu assuré et ses cuisses s'entrechoquent. Pourtant, tout comme moi, il veut rester fier et ne rien laisser paraître.

Cette scène me donne une impression de procès avec cette disposition martiale de la salle, cette tension et tous ces regards fermes. Pourtant ce n'en est pas un, bien au contraire.

"- Vous avez passé le test avec brio jeune homme, montrez-moi votre arme."

Mon camarade acquiesce et sans rien ajouter, décroche une sorte de sabre fixé à sa ceinture. J'observe la réaction de l'homme qui trône en face de lui, sa voix m'a coupée le souffle pendant un instant. Elle est si grave qu'elle résonne dans toute la pièce, mais son rythme infiniment calme sonne comme une parole divine, douce et enveloppante. Je relève les yeux, il n'est autre que le roi d'Arya.

C'est la première fois que je le vois d'aussi près. Ses cheveux sont bruns, parsemés de mèches argentées, et s'étendent en une longue natte stricte dans son dos. Je suis étonné car rares sont les hommes haut placés qui ont les cheveux si longs. Une barbe taillée à la perfection encadre son visage, soulignant les traits anguleux de sa mâchoire.

Ses yeux sont entourés de discrètes rides formées par le temps. Alors que je le fixe avec attention, son regard azurs croisent le mien. Ses iris sont d'un bleu glacial. Je me fige face la prestance qu'il dégage, fixant le sol, avec respect.

Alors que je dédie toute mon attention au roi, je n'ai pas remarqué un homme sortir de l'ombre et s'approcher du jeune homme pour examiner son arme. Il la tient avec tant de précaution qu'on pourrait croire que cette lame est d'une légèreté incroyable. Ses doigts experts parcourent le métal tandis que ses yeux sondent chaque reflet. Un lourd silence est tombé sur la salle, chacun le regardant à l'œuvre.

"- Elle porte son âme. Depuis trois jours. Il n'est pas précoce, il est parfait, énonce-t-il finalement, économisant ses mots."

Le roi acquiesce en silence, satisfait.

"- Quelle est ta vocation jeune homme ? Demande celui-ci.

- Je veux devenir ébéniste. Répond-il avec assurance.

- Très bien, nous manquons d'artisans dans ce domaine, ton choix est très bon. Pendant un an tu iras chaque jour chez l'artisan ébéniste le plus proche de ta maison en tant qu'apprenti.

- Merci, mon Roi. remercia-t-il avec beaucoup de respect avec de s'effacer avec sa lame pour quitter la salle."

Alors que mes pensées sont occupées à sonder chaque action, mot ou événement dans la salle, mon prénom retenti m'invitant à me rendre à mon tour sur le pupitre. Mon cerveau s'arrête un instant, une sueur froide glisse avec lenteur le long de mon front, je m'avance.

Tout se repasse exactement comme pour le jeune qui me précédait, présentation exhaustive, vérification de mon arme et...

"- Et Qu'elle est ta vocation ? Demande le Roi sans esquisser un seul geste.

- Je veux rejoindre la milice.

- Vraiment ? Qu'on m'apporte les relevés de son entraînement."

Un petit homme qui se trouve à ses côtés devant une montagne de paperasse, commence à trier celle-ci à toute vitesse. Des lunettes rondes sur son visage rondelet lui donne un air pataud, qui détourne mes pensées. Je porte un grand intérêt à ce petit homme dont les gestes, malgré que peu assurés, sont d'une rapidité incroyable.

"- Voila Monsieur, Finit-il par dire, soulagé, en tendant un simple papier à sa royauté."

Celui-ci parcourt la feuille des yeux, avec un visage vide de toute expression. Juste de la réflexion. Mon pouls augmente soudain devant cette attente, mon sang battant mes veines.

Il passe inconsciemment sa main dans sa barbe, avant de relever les yeux sur moi, me dominant de tout son pouvoir.

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant