chapitre 50

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C'est le grand jour. J'en viens à me surprendre à être totalement stressée.
Je me jette un regard de travers dans le miroir de la petite salle de bain. Ma peau est pâle et mes yeux cernés de fatigue, mon corps frèle ne me ressemble plus... Je suis dépitée de me présenter comme ça au village.

Bien que mon apparence est peu d'importance à mes yeux, l'idée de me montrer aussi faible me déplaît.

Je porte donc de larges vêtements en lin pour cacher ma maigreur. Il est bientôt l'heure, Rémus va arriver d'une minute à l'autre.

"- Lilou va rencontrer tout le monde !! Hurle à tu-tête Louis, en courant dans mon salon. "

Je sursaute et me rattrape au meuble devant moi pour me stabiliser. Cet enfant va finir par me tuer un de ces jours.

Je me débats avec ma béquille pour aller le rejoindre et m'effondre dans le canapé. Je ne sais pas comment je vais tenir toute la journée avec ma béquille. Tout ca risque d'être vite éreintant.

"- Coucou toi, le salué-je alors qu'il saute à mes côtés sur le sofa. Tu veux bien m'attraper mes chaussures en toile, là-bas ? Demandé-je en pointant un coin du salon. "

Il s'exécute sans broncher, avant de revenir en courant, pour se coller à moi. Je souris et lui frotte le haut de la tête avec amusement.

Quand j'enfile ces petits chaussons légers mon cœur se pince. Je fixe, attristée, mes longues cuissardes qui dorment près de la porte. Je les remettrais seulement quand je me sentirais à nouveau bien dans mon corps !

Au même instant, Rémus s'annonce poliment et je sais qu'il est temps. Je me lève du mieux que je peux, et grâce à ma béquille, quitte le sentiment réconfortant de protection que me procure ma maison.

Le chef passe mon bras sur son épaule pour me soutenir sur les passerelles branlantes, tandis que Louis court avec joie devant, inconscient du vide sous ses pieds. Tandis qu'au fond de moi, une anxiété mordante étouffe mon estomac.

Mais mon appréhension est vite surpassée par ma curiosité, mes yeux parcourent chaque nouveauté à toute vitesse, les arbres, les maisons, cette architecture atypique sculptée dans le bois... Je suis fascinée.

"- Où sont les gens ? Demandé-je au chef."

Rémus à mes côtés, conscient de mes difficultés et très patient, m'adresse un regard qui se veut rassurant.

"- Tous réunis dans la grande salle pour te rencontrer.

- Tous ? Est-ce bien nécessaire ? Repliqué-je surprise, alors que la panique grimpe à nouveau dans mes tripes.

- Bien-sûr que ça l'est, nous ne sommes qu'un petit village."

Point de vue de Wolfgang
(un peu plus tôt)

Ce matin le village semble agité, tout le monde court partout, la joie restant gravée sur leurs visages.
Bien-sûr, je ne m'occupe guère de ce genre d'agitation et mon habituelle mine renfrognée fait tâche avec le cadre.

Je tente de m'extirper de ce va-et-viens bourdonnant, pour vaquer à mes affaires. Mais quelque chose passe près de mes jambes à toute vitesse et manque de me faire perdre l'équilibre.

Je m'apprête à exprimer mon mécontentement, alors que la chose en question roule en boule sur le sol et se cogne contre un poteau.

"- dites-donc Louis, à courir comme ça, un jour, tu vas tomber d'une plateforme. Menacé-je le petit gamin, qui se frotte la tête à l'endroit du choc. "

Ce gosse ne pleure vraiment jamais, toujours accompagné de son sourire de canaille. À mon avis, il est bien fort mentalement pour un petit de son âge. Il s'apprête à repartir dans sa course folle sans même daigner me répondre, mais je ne lui en laisse pas le temps.

Je l'attrape par le col et le monte au niveau de mon visage.

"- Hé tu cours où comme ça ? Y'a pas le feu.

- Je vais voir Lilou ! Scande-t-il en brassant l'air."

Ridicule, pensé-je, avec un sourire sadique au coin des lèvres.

"- C'est qui ça d'abord, Lilou ?

- Ma copine. Dit-il tout fière.

- T'as une copine toi maintenant ? T'es pas un peu jeune ? Le taquiné-je. Tu me la présenteras j'espère.

- Non ! Dit-il fermement, en tirant la langue.

- Comment ça, non ?

- T'es pas beau, Lilou elle est gentille, elle ! "

Il me balance ça, avant de s'extirper en se lâchant dans le vide pour gambader à toute jambe. Quelle canaille.

"- Tu n'es pas entrain de baliser la forêt toi ? Demande une voix chantante dans mon dos.

- J'y allais. Me justifié-je, ayant facilement reconnu la propriétaire de cette voix.

- Et bien non, n'y va pas. M'annonce-t-elle avec autorité en se plaçant devant moi. "

La grande blonde me bloque le passage avec les bras croisés sous sa forte poitrine. Je la menace d'un doigt accusateur, n'ayant pas envie de perdre mon temps.

"- Hé ho Galahdrielle, ton père est encore le chef, donc je n'ai aucun ordre à recevoir de toi !"

Elle m'attrape le bras avec une volonté sans appel et me tire derrière elle. Sa longue robe pâle vole devant mes yeux alors que je me fais entraîner contre mon gré.

"- Tu n'as pas ton mot à dire, je te signale. Tout le village se réuni et tu en fais partie.

- Je ne suis jamais au courant de rien, soupiré-je en m'abandonnant à sa volonté de fille autoritaire."

Elle tourne la tête vers moi et ses grands yeux dorés se plissent de bonheur devant ma reddition. Ses cheveux blonds sont relevés comme à l'habituée dans une coiffure complexe de nattes entremêlées. Je les fixe un instant avec un regard vide, perdu dans mes pensées. Elle semble troublée par mon regard et me tire plus vivement derrière elle.

"- Qu'est ce qu'on fête au juste ? Demandé-je dans un énième soupire.

- Nous allons rencontrer cette fille que tu as secouru ! Elle va enfin être présentée à tout le village !"

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant