Chapitre 1

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Je marche d'un pas rapide. Mes jambes fines, moulées dans de longues cuissardes en cuir, battent le sol pavé avec force et entrain.

Mes sourcils sont froncés, montrant l'énervement qui me hante en ce moment même.

Je m'apprête à tourner au coin de la rue, alors qu'une voix masculine et essoufflée, me stoppe dans mon élan.

"- Bon sang ! Eraun, attend-moi !"

Je me retourne, les mains sur les hanches, pour prouver mon assurance soudaine.
Un jeune homme court vers moi, ses cheveux roux en bataille s'agitant au rythme de ses foulées.
Je fixe avec un air exaspéré ce grand corps fin et élancé, arrivant à ma hauteur.

Une fois en face de moi, à une distance raisonnable, il pose ses mains sur ses cuisses pour reprendre son souffle.

"- Que fais-tu là Jonas ? Demandé-je au jeune homme.

- Tu le sais bien, ce que je fais là.

- Non, tu devrais être à l'entraînement à l'heure qu'il est.

- Et toi aussi ! Contre-attaque t-il. "

Je pousse un soupire, mêlant l'exaspération et le désespoir.
De son côté, il passe une main dans ses cheveux, montrant un gêne passagère.

"- Ecoute, je ne pouvais pas te laisser partir comme ça. se Justifie-t-il avec douceur.

- Tu sais que je m'entends mal avec l'entraîneur. Mais tu ne dois pas me suivre, je refuse que tu ailles à l'encontre des lois pour moi !

- Je peux bien le faire, si toi tu le fais...

- Je te l'interdis Jonas ! Je ne te laisserai pas te faire remarquer par le haut peuple par ma faute. Tu sais tout comme moi l'importance de cet entraînement pour nous tous."

Il me regarde avec des yeux troublés, ne sachant trop où se mettre.

"- Mais alors que dois-je faire ? Me demande-t-il peiné."

Je passe ma main dans ses cheveux de feu, tentant d'y mettre un peu d'ordre, tout en lui adressant un sourire rassurant.

"- S'il te plait, retourne à l'entraînement. Supplié-je, avec une voix sans appel.

- Mais et toi ?

- Ne t'en fais pas pour moi, ça ira. Je ne fuirai pas devant l'entraînement la prochaine fois. Lui promis-je."

Il me sourit, avant de faire demi-tour, marchant d'un pas calme et tranquille pour retourner d'où il vient.

Je reprends moi aussi ma marche dans le sens inverse, tout énervement disparu, laissant place à une profonde lassitude.

J'étire mes bras au dessus de ma tête, me faufilant à travers les habitants, qui arpentent la rue en nombre. Tout le monde se presse autour de moi, la foule de la basse population déambule en masse dans les avenues pavées.

Mes yeux glissent sur les visages et les corps, détaillant rapidement tous les gens autour de moi. Nos habits sont miteux, nos regards sont fatigués et fuyants. Nous respirons la crainte et l'épuisement.

Ici, nous sommes tous pareil. Nous ne sommes personne, nous avons peur et la discrétion est le principe qui guide nos piètres vies.

Tout en détaillant les habitants inconnus, je fixe souvent leurs ceintures où pendent des armes de tous genres. Dans La Cité d'Arya, ma cité, chacun possède une arme. Nous ne pouvons vivre sans.

Pour une simple et bonne raison, à Arya, les lames sont les gardiennes de l'âme.

Je secoue la tête, coupant mon monologue mental pour reconnecter avec la réalité. En effet, j'évite de justesse une cheval lancé au grand galop, fendant la foule.
Je me retourne, le souffle coupé, pour suivre du regard le cavalier de la milice qui poursuit son chemin avec violence. Les sabots du cheval martèlent le sol avec force, recouvrant le brouhaha de la foule.

L'idée que ces soldats royaux n'en n'ont que faire du petit peuple, trotte dans mon esprit.

Je fronce les sourcils, reprenant mon chemin, légèrement à fleur de peau. Dire que Jonas rêve d'entrer dans la Milice royale, quelle misère !

Enfin, il ne faut pas se leurrer. Les jeunes du petit peuple qui suivent l'entraînement, n'ont que deux choix de vie. Soit rentrer dans la milice, soit devenir artisan ou marchand. Et dans cette cité, tous les jeunes doivent suivre l'entraînement, moi comprise.

Je serre les dents.
Quel fabuleux destin s'offre à moi.

Je soupire, quittant la foule et l'activité bouillonnante qui pulse dans les rues, pour pénétrer dans une petite ruelle étroite. C'est ici que se trouve ma maison. Elle se poursuit tout en hauteur, prisonnière entre deux autres, donnant l'impression d'un malade se reposant sur ses béquilles.

Je ralentis mon pas rapide, pour m'approcher de la vielle porte d'entrée en bois. Je pose ma main sur la poignée en respirant profondément.

Ma mère ne va pas être ravie de ma visite.

Je pousse doucement le battant, qui grince sous mon passage, pour entrer dans l'habitacle chaud et sombre du hall.

En face de moi, se dresse un vieil escalier en bois, tandis que sur ma droite se trouve la porte de la petite cuisine. Je peux entendre le bruit des ustensiles et des pas sur le parquet grinçant, prouvant que quelqu'un s'y trouve.

Je serre les dents, il s'agit bien de ma mère. J'avance vers la pièce éclairée, appuyant mon épaule sur le bord de l'ouverture, tout en croisant les bras sous ma poitrine.

La cuisine s'offre à moi, petite, avec une table en bois au centre, prenant toute la place. Une fenêtre mal nettoyée laisse passer un halo de lumière dorée, illuminant chaleureusement la pièce. Ma mère fait des allers-retours dans tous les coins. Obnubilée par son travail, elle ne remarque pas ma discrète présence.

Je l'observe en silence, avec un regard triste. Je sais que ma présence va lui causer du soucis, car plus que tout le monde, elle a peur pour moi.

Ses cheveux blonds mêlés de mèches argentés sont relevées en un chignon négligé. Ses habits sont ternes et usés, et ses épaules semblent devoir supporter toute la fatigue du monde. Les cernes grises qui soulignent ses yeux noisettes me serrent le cœur.

En effet, comme tous les gens de cette ville, ma mère possède un regard vide et respire la peur et l'épuisement.

"- Bonjour mère, dis-je simplement en troublant le silence présent."

Elle s'arrête net, troublant son activité de petite fée du logis, glacée à l'entente de ma voix.

Âmes TranchantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant