LE SLEEPWALKER

Partie 19: Un courant d'air a fermé la porte

-"Hé, faut pas que tu pleure, tu m'a réveillé !

              Une petite voix indignée que je reconnaitrait entre mille chuchote furieusement dans la pièce. J'ouvre vivement le coffret de la Boite à Musique et Perle plonge dedans. Méphisto trottine sur un poutre du plafond la tête en bas

-C'est rien, Meph' retourne te coucher.

            Ce simple mensonge flotte désagréablement sur ma langue, j'ai du mal à mentir aux enfants, il n'y a aucun problème avec les grandes personnes mais avec les petites, ce n'est pas la même chose. Les enfants ont un regard qui vous perce les os et vous laisse sans voix, les enfants ne s'embrassent pas de la réalité, les enfants... et bien, chacun enfant est absolument et indéniablement unique.

              Les adultes... sont différents, ils ont perdu leurs illusions, ils ont grandi. Les adultes délimitent très nettement la frontière entre imagination et réalité, voila leur problème.

 -T'as pas répondu à mes questions.

Pardon ? Ah oui, c'est vrai suis-je bête. Plus question de lui mentir cette fois.

- J'ai visité les Falaises tant de fois qu'à présent je m'y sens chez moi, si je cache mon œil avec mes cheveux, ce n'est pas parce qu'il ne fonctionne plus, la raison est toute différente.        J'avais un famille, elle était petite et bruyante. Je ne me souviens plus bien d'elle.

-Mais... mais ça se peut pas ! Dit le garçon en atterrissant sur mes épaules, on oublie jamais sa famille, jamais!

-Meph, soupirai-je avec un petit sourire triste, tu sais ce que ça fait quand on t'arrache ton âme?

-Non?

-Déjà, c'est très douloureux, tu t'evanouis tant la douleur est insupportable, tant elle électrocute chaque partie de ton corps.

             "Ensuite, lorsque tu te réveille après ce qu'il te semble être un looooongue nuit remplie de cauchemars, tu réalises que quelqu'un t'as volé ta mémoire. Tu as beau te creuser la tête, tu ne te souviens de rien, strictement rien.

             "Enfin, tu te rends compte qu'on ne t'a pas seulement dérobé ta mémoire, mais aussi tout ce qui fait ta raison de vivre. Ce que tu aimes, ce que tu déteste, ce que tu sais faire, il n'y a plus rien, rien, pas même le désespoir. Tu n'as même plus tes yeux pour pleurer car ton cœur restera vide et froid pour le restant de ton existence. Tu ne pourras plus trouver un réconfort dans le sommeil, car tu ne peux plus dormir, ni la folie, car tout t'es désormais égal, ni l'oubli, car tu as déjà tout oublié. Ne reste que la mort comme ultime issue.

         "Mais même la mort te fait défaut puisque tu es DÉJÀ  MORT !! Tu es réduit à l'état de fantôme, un Jack-o 'lanterne macabre et lugubre sans même un source de lumière pour éclairer ton chemin. Tu erres sans but au travers de paysages se succédant les uns après les autres, affrontant les critiques des vivants qui te regardent d'un œil effrayé ou méprisant et devant affronter toutes sortes d'abominations qui veulent ta peau pour une raison inconnue !!!"

               Je lâche les épaules de Méphisto en reprenant mon souffle. Je réalise enfin ce que je viens de faire en remarquant l'expression du garçonnet.

-Oh, pardonne-moi, commençait-je, ce..ça fait longtemps que je n'ai pas perdu mon calme et...

               Je me mords la langue sous la surprise. Méphisto et Jezabel (qui a dû se réveiller en entendant ma plainte) m'ont sauté dessus en hurlant à l'unisson: