Eren tendit ses doigts vers la peau blanche et délicate de Chrysta. Quand leurs deux mains se lièrent, celle du jeune homme, par sa taille et sa puissance, sembla engloutir les phalanges féminines et graciles comme la patte d'un ours l'aurait fait de celle d'un bébé. Ils fermèrent les yeux et le jeune homme tenta de se concentrer, rejetant les flashs lumineux qui s'imposaient à son esprit pour suivre une autre direction : un fil ténu, un fil d'Ariane, qui le guidait jusqu'à l'océan des contemplations.
Il atteignit l'Entre-deux-mondes et se perdit dans son brouillard épais. Son corps n'était pas là ; il n'était plus qu'une projection astrale, une âme à la dérive. Sa conscience s'éparpillait.
Il devait la retenir. Sans elle, il ne pouvait pas rentrer. Sans elle, son corps serait une coquille vide à tout jamais. Et pourtant, elle se dispersait sans qu'il puisse la contenir, dans un infini de savoirs et de néant, à la poursuite de chuchotements dont il ne pouvait saisir le sens. Tout, dans cet univers spirituel, n'était que conversation silencieuse. Il entendait par le cœur ; il voyait par l'esprit. Il se mêlait aux sentiments et aux émotions de tous les êtres vivants. S'y mêlait si bien qu'il s'y disséminait.
« Eren », l'appela une voix.
Non, ce n'était pas une voix. C'était une intonation qu'il « ressentait » et qu'il pouvait traduire.
« Ne fais pas ça, rassemble-toi. »
Eren se focalisa vers l'onde, vers cette aura qui tentait de communiquer avec lui et, ce faisant, sa conscience parut se reformer en suivant la direction imposée par sa volonté.
« C'est bien, mais tu dois partir. C'est trop risqué... »
Eren ignora le conseil et projeta son esprit vers la source de ces injonctions.
Il la trouva. Il effleura la conscience d'un autre. D'un assemblage d'émotions qu'il sut créer et manier naturellement, il demanda à son tour :
« Qui es-tu ? »
Il n'y eut pas de réponse. Eren savait, sans l'avoir jamais appris, ce que son pouvoir était capable de faire. Il se concentra sur l'entité et la pénétra. Il sentit la distance entre leurs corps, dans le monde réel, si précisément qu'il pouvait dire combien de kilomètres les séparaient, et dans quelle direction. Il sentit la clarté d'un aurore estivale, alors que le soleil se couchait sur son île ; l'odeur d'un bouquet de lilas dans un vase et de jasmin dans la lessive qui avait lavé les draps ; le chant d'une tourterelle ; le bien-être hébété d'un réveil et un sentiment d'étonnement aquarellé de tristesse et d'angoisse presque parentales. Puis, il se noya dans un flot d'émotions et de pensées si intenses que cela en était indéchiffrable, asphyxiant. Certaines prirent le dessus :
« Ne fais pas ça ! Retourne dans ton corps ! »
Tandis que l'autre tentait de le repousser, Eren s'obstina :
« Tu es le dixième titan ! »
Pas de réponse. Il s'acharna :
« Qu'est-ce que tu es ? »
« Je serai bientôt là. »
Eren entrevit une partie de sa nature, et sa surprise lui fit lâcher prise. Le brouillard filait, il retournait vers son corps. Peu importe, il avait compris, du moins en partie, le fonctionnement de cette forme de télépsychie.
Il parvint à arrêter sa course et tendit son esprit vers Armin, laissant volontairement sa conscience s'éparpiller pour palper le vide. Il le trouva presque aussitôt, enveloppé dans l'aura inexplicablement mélancolique et abattue du Titan Colossal, et s'en approcha. Il voulait simplement effleurer l'esprit de son ami, mais celui-ci était moins fortifié que sa précédente rencontre, et il le transperça comme un miroir d'eau. Son intrusion déclencha une vague d'effroi et d'indignation qui l'ébranla violemment, et il se retira vivement. Il sut, d'instinct, que pénétrer l'âme était tabou. Il voulait établir un contact malgré tout, mais ses esprits recommençaient à s'émietter. Il avait beau les rappeler, sa volonté faiblissait.
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Dernière Guerre Pour le Paradis.
Fanfiction[Fanfiction, L'Attaque Des Titans / Shingenki No Kyojin. Fin alternative, post-ellipse du Chapitre 90. ErenxLevi.] An 854 : Eren a enfin percé le mystère que renfermait la cave de son père. En quatre ans, il est devenu un homme accompli, mais, désor...