L'Axe.

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Les jours suivants, le caporal-chef Levi semblait avoir retrouvé son attitude détachée ordinaire, ce qui, pour lui, était signe de complaisance. Eren s'était plié à son châtiment du premier jour et, s'il ne vomissait plus depuis longtemps à la vue d'un camarade haché-menu, il s'était intérieurement remercié de ne pas avoir eu le temps de déjeuner ce matin-là, car la tâche avait été si immonde et épouvantable que son estomac avait été mis à rude épreuve. Le caporal lui-même aurait sûrement tourné de l'œil – étant donné ses troubles compulsifs en matière de propreté – devant pareil lessivage de matière fécale. Eren l'avait bien vu s'approcher des lieux, tandis qu'il opérait avec résignation, probablement pour surveiller l'avancement de son subordonné, mais la promesse que lui avaient envoyée les relents fétides l'avait tenu à distance et, le soir venu, l'homme s'était montré nettement plus amène, presque compatissant. Depuis, Eren avait décidé qu'ils étaient quittes et entretenait la trêve qui s'était instaurée. Il lui avait même fait la grâce de se raser.

Chaque matin, Levi partait en reconnaissance avec les patrouilleurs. Il profitait de ces sorties pour les entraîner et parfaire leurs techniques tridimensionnelles. Les après-midis se découpaient en plusieurs ateliers : combat au corps-à-corps, parcours de remise en forme, tactique et stratégie militaire, simulations en tous genres...

Eren, Armin et Jean, suppléaient le caporal dans les rôles d'instructeurs, ce dernier arguant qu'ils avaient encore beaucoup à apprendre mais que le peu d'expérience qu'ils avaient acquis pouvait déjà être transmis. Une routine passagère commença à s'établir, et Eren se surprit à l'apprécier. Lorsqu'il se retrouvait seul avec les anciens membres de son escouade, ou qu'il avait la possibilité de leur parler en aparté, le caporal les appelait par leurs prénoms. Cette complicité renaissante et cette convivialité retrouvée, bien que toujours aussi labiles qu'autrefois, rassuraient le jeune homme et lui mettaient du baume au cœur.

Au bout de quatre jours, Eren avait fini par obtenir un peu de temps libre. C'était une fin d'après-midi légèrement voilée, mais d'une chaleur douce et agréable. À sa demande, Jean lui avait ramené plusieurs manuels de médecine et de chirurgie. Ayant déjà épuisé tous les livres sur le sujet que comprenait la bibliothèque du QG, Mikasa lui en achetait de nouveaux régulièrement, ainsi que quelques bulletins destinés à la profession. Eren s'était pris d'affection pour ce genre de lectures, ou plutôt, d'apprentissage, depuis plus de deux ans maintenant. Il avait commencé par apporter des soins aux soldats blessés lors des attaques navales, en se remémorant ce qu'il avait appris aux côtés de son père. S'apercevant qu'il pouvait être utile dans ce domaine de compétences, il tentait, depuis, d'élargir son champ de connaissances. Pour lui, c'était une activité aussi distrayante qu'enrichissante.

Il prit donc les nouveaux ouvrages sur le bureau de sa chambre, et décida de s'adonner à ce passe-temps dans un lieu plus paisible et propice à l'oisiveté. Il était ici depuis assez longtemps pour avoir ses habitudes, et savait qu'Armin le trouverait facilement quand il choisit de sortir du camp et de rejoindre la plage plus au sud. Celle-ci jouxtait le port mais était difficile à atteindre par marée haute, car il fallait contourner l'escarpement rocheux sur lequel s'appuyait le mur, et au pied duquel s'amoncelaient des rochers tranchants, glissants de goémons et de laitues de mer, sur quelques centaines de mètres. Eren franchit les obstacles en bondissant avec agilité et en veillant à ne pas glisser dans une mare. Le cuir de ses cuissardes était sensible au sel, et il passait suffisamment de temps à les graisser au suif, pour les assouplir et les imperméabiliser, sans qu'une trempette inopinée ne lui apporte du travail supplémentaire. D'autant plus qu'il s'était déjà donné ce mal récemment, suite à sa baignade imprévue avec le caporal.

Il finit par atteindre le sable, plutôt grossier sur cette partie de la côte, mais néanmoins sec et accueillant. Il s'y installa, face aux vagues. Une brise fraîche et chargée d'embruns soufflait depuis le large. Les rayons du soleil, filtrés par les volutes de haute altitude d'un cirrostratus, n'avaient pas suffisamment de puissance pour l'incommoder. Il ouvrit un premier livre et entama un chapitre, se laissant bercer par le ressac.

Dernière Guerre Pour le Paradis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant