Le supplice de Prométhée.

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La première semaine qui suivit l'arrivée d'Eren et Levi fut intense en élucubrations et planifications. Le retour du Rat, notamment, modifia un certain nombre de variables et leur permit une meilleure approche de la situation avec, malheureusement, son lot de mauvaises nouvelles. Celui-ci fut présent lors du conseil de guerre qui eut lieu dans la foulée, tout comme Eren, cette fois, ainsi que tous les primordiaux détenus par Paradis. Gaby et Falco, néanmoins, furent accueillis avec une certaine méfiance de la part du haut-commandement militaire. Cependant, Chrysta, comme il fallait s'y attendre, loua l'initiative du sergent indiscipliné – et surtout ses instincts qui avaient permis de récupérer les deux jeunes réceptacles – avec une majesté grandiloquente qui embarrassa quelque peu l'intéressé, même s'il était bien conscient que la messe gratifiante qu'elle lui servit publiquement avait pour fin d'appuyer son jugement et d'inciter ses pairs à réaliser combien les décisions du jeune homme pouvaient se montrer décisives et rémunératrices. Au grand dam de ses supérieurs, par ailleurs, qui sermonnèrent leur ancienne recrue anoblie – trop, même, pour qu'ils puissent encore la faire taire – de simples et pesants regards, irrités de la voir faire, ainsi, l'éloge d'un de leurs soldats en dépit de son insubordination. Si la reine n'avait pas le droit à l'erreur, le lui rappeler en aurait été une grave pour quiconque aurait osé.

Bien sûr, Hanji et Levi, avec efficience, ne s'étaient pas montrés trop sentencieux envers Eren et ses mutins camarades, se contentant de laisser planer sur eux leur déception formelle. Du moins, en ce qui en était du commandant. Il fallait bien admettre que, de son côté, Levi nourrissait des ressentiments bien plus personnels, et presque exclusivement dédiés au jeune switch de l'Assaillant. Pour le jeune homme, il ne s'agissait pas seulement de reproches d'envergure disciplinaire. L'attitude réservée de l'autre à son égard, qui lui faisait l'impression d'être devenu invisible à ses yeux malgré le blâme conventionnel qu'il avait déjà dû essuyer, ne lui révélait qu'une chose : Levi faisait la gueule.

C'était un fait, cet homme aussi était capable de rancune sentimentale. Et le sergent, au vu de la gravité de la situation, s'en amusait presque. Il avait fini par abandonner son plaidoyer, préférant attendre que l'orage se dissipe. Après tout, Levi était d'une nature peu capricieuse, en règle générale, et son calme renommé, tout comme son tempérament pragmatique hors du commun, referaient vite surface en lui laissant une ouverture pour démolir, à nouveau, ses fortifications affectives. Non pas qu'Eren ait acquis, providentiellement, une patience dont il était dépourvu jusqu'ici, mais, pour l'heure, ils avaient tant de choses à étudier qu'il lui restait bien peu de temps à consacrer aux rapports galants – quoique le terme fut mal choisi en parlant de l'adjudant-chef – que les deux hommes entretenaient jusque-là.

En effet, il devait veiller sur leurs nouvelles recrues, qui avaient subi un choc psychologique suffisamment terrible pour avoir besoin d'une surveillance et d'un soutien constant. Heureusement, Eren avait pu compter sur ses anciens compagnons de la 104ᵉ qui, avec un dévouement immédiatement empreint de sympathie, avaient pris les gosses sous leurs ailes. Sasha se montrait, contre toute attente, particulièrement maternelle et complice envers Gaby, et l'alchimie entre elles, à laquelle Eren n'aurait cru quant au caractère débrouillard et fier de la fillette, opérait plutôt bien. Il y avait des bas et des hauts, évidemment. Il comprenait la jeune fille mieux que personne. Désormais, Gaby vivait avec une vision distordue du monde qu'elle avait toujours connu, filtrée à travers les souvenirs de Reiner, mais ce n'était pas son seul fardeau. Elle avait perdu celui qu'elle aimait comme son frère, et en le dévorant comme une bête. Eren connaissait ce mal. Il savait ce que cela impliquait de vivre avec. Il n'oubliait jamais son propre père.

Reiner avait mené Falco au-devant d'Annie et lui avait fait l'injection avec une bravoure qu'Eren ne pouvait que lui reconnaître, car il savait combien l'homme aimait profondément ces deux gosses. Seulement, ces derniers étaient formatés depuis bien trop longtemps, et le vice-capitaine aurait eu bien du mal à les sauver d'une manière différente. Son choix, lourd de sacrifices, visait certainement à éviter le pire à sa jeune protégée, car il savait qu'une fois en possession de sa mémoire, la petite serait bien trop inexpérimentée pour combattre son indécision ou, pire, échapper à Mahr si elle tentait de se rebeller. Il n'avait pu les épargner mais leur avait fait le cadeau d'une voie toute tracée ; une voie sur laquelle ils pourraient courir sans les entraves que lui-même avait dû traîner derrière lui dans les méandres de ses choix hasardeux et souvent malavisés. Les deux enfants semblaient l'avoir compris, mais il était encore tôt pour leur laisser plus de liberté.

Dernière Guerre Pour le Paradis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant