Le Dresseur et le Chasseur.

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Ils aperçurent le rempart de protection du port alors que l'après-midi touchait à sa fin. La colonne verte d'un fumigène s'éleva au-dessus du camp, signalant à tous les soldats de la base que la relève arrivait et, à cette dernière, qu'elle avait été repérée. Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre le mur, car les chevaux reconnaissaient les lieux et savaient qu'ils auraient bientôt du repos et une bonne ration d'avoine.

Une fois à l'ombre de la paroi, les hommes mirent pieds à terre et guidèrent leurs montures vers les deux monte-charges qui les attendaient déjà. Quand ils atteignirent le sommet, Levi dut plisser les yeux devant l'intensité du soleil couchant qui se découvrit à lui. C'était étrange de voir l'astre se noyer au fond de ce vaste horizon liquide sans qu'absolument rien n'entrave son champ de vision : pas un arbre ni un clocher, ni même la silhouette d'un mur. Il n'était pas venu souvent, et c'était sans doute pour cela qu'il avait encore du mal à s'y faire.

Tenant toujours les rênes de son cheval, il s'engagea prudemment dans l'un des escaliers courant le long de la façade sud-ouest, freinant la bête pour qu'elle n'ait pas l'idée de sauter toutes les marches en quelques bonds, tout en répondant d'un hochement de tête aux saluts des recrues qu'il croisait. En général, il aimait panser lui-même son hongre mais, pour l'heure, il avait plus urgent à faire.

Il avait beaucoup de choses à éclaircir et était déjà pressé d'en finir, d'autant plus que personne n'avait été prévenu de sa visite. Il devait s'annoncer et reprendre le commandement du camp, car il était, désormais, l'un des plus gradés. Devant les écuries, il ne trouva que quelques soldats de la Garnison. Ces derniers eurent beau lui proposer de s'occuper de son animal, il refusa catégoriquement de le laisser aux mains de néophytes, leur aboyant d'aller chercher un soldat du Bataillon pour lui confier cette tâche.

Au bout de quelques minutes, il vit Armin Arlelt qui accourait vers lui. Dommage pour l'effet de surprise mais, au moins, la communication dans le camp était bonne.

« Caporal-chef ! » s'exclama le jeune homme en se plantant devant lui, le poing sur la poitrine.

Ses joues étaient rouges et son souffle court.

« C'est toi qui viens pour t'occuper de mon cheval, Arlelt ? »

Ça sonnait plus comme un reproche qu'une simple question. Le jeune homme était censé être aux commandes de la base, et non jouer les palefreniers.

« Euh... non ! »

Il se retourna et fit un signe à l'un des soldats qui le suivaient, auquel Levi n'avait pas encore prêté attention, d'approcher.

« C'est Riff qui va s'en charger. »

Le caporal vit que la recrue portait le blason du Bataillon et, sans plus de cérémonie, lui jeta les rênes au visage. Le jeune homme, surpris, parvint à s'en saisir maladroitement en s'excusant bêtement et en rougissant. Mais Levi l'ignorait déjà, s'avançant vers les quartiers des supérieurs. Voyant qu'Armin ne le suivait pas, il se retourna et lui lança :

« Oï, gamin ! Qu'est-ce que vous foutez de vos journées, ici, pour être autant à la ramasse ? Bouge, bordel ! »

Armin, qui affichait jusque-là un air hébété, secoua les épaules et lui fit un petit sourire :

« Désolé, caporal-chef, c'est juste que nous ne vous attendions pas ! Et j'imagine que, si vous êtes là, c'est que les nouvelles ne sont pas bonnes ou que nous allons avoir des ennuis ?

— Tch ! Toujours aussi futé, Arlelt. Mais aussi effronté, ça c'est nouveau, et j'aime pas ça. Amène-toi ! »

Armin le suivit docilement. La discussion était close, pour le moment. Levi venait de passer une journée à cheval. Il était épuisé, affamé et, surtout, sale. Il rêvait de se laver et de se changer. Pour le reste, il verrait plus tard, peut-être même demain. Après tout, à chaque jour suffisait sa peine.

Dernière Guerre Pour le Paradis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant