Le Jour Le Plus Long : Partie I.

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Échec Au Roi Par Sa Reine.

Mikasa se réveilla dans le noir le plus complet. Les bougies servant de veilleuses étaient toutes mortes au cours de la nuit car elle s'était endormie sans penser à en allumer de nouvelles. Elle tâta son chevet, du bout des doigts, pour y trouver l'anse du bougeoir, puis fouilla le tiroir à la recherche d'allumettes et d'un nouveau bâton de cire. Quelques secondes plus tard, une lumière douce et chancelante redessina les contours de la chambre d'Eren.

Les matins, dans les bas-fonds, étaient comme les soirs. Les heures se mêlaient dans la pénombre perpétuelle en vous faisant perdre la notion du temps. Cette pièce, comme la quasi-totalité de celles de l'hôtel de passes, ne possédait aucune fenêtre. Il n'était pas utile d'ouvrir l'espace sur davantage de ténèbres, après tout, et seul le pignon de rue disposait d'ouvertures, uniquement destinées à copier le style architectural de la surface – dans son expression la plus pompeuse – et à offrir une vue plus ou moins distrayante sur l'animation extérieure.

Mikasa parvint à lire l'heure sur l'horloge murale dont le pendule se balançait avec un cliquetis léger : cinq heures trente. Elle souleva les draps pour sortir du lit.

« Tu te lèves déjà ? » demanda la voix douce et ensommeillée de Chrysta.

La brune tourna la tête vers elle et la contempla quelques instants dans la lumière avare. Ses cheveux, dénoués et ruisselant sur les oreillers, ressemblaient à une rivière d'or. Les rayons flavescents éteignaient le bleu azuréen, presque translucide, de ses iris si envoûtants qui absorbaient leur lueur chaude en reniant le cyan qui les ancrait d'ordinaire sous la lumière du grand jour, y laissant seulement des paillettes multicolores qui les rendaient aussi clairs et saisissants que des miroirs de nacre, au cœur desquelles contrastaient deux pupilles profondément noires et déstabilisantes. Mikasa tendit le bras et caressa l'une des épaules à la peau blanche et veloutée, encore si juvénile. Chrysta se redressa en position assise, enveloppant les draps de satin lavande autour de son corps nu pour se protéger de la fraîcheur matinale.

« Il est si tôt ! regimba-t-elle comme une petite enfant.

— Non, il est juste l'heure, fit son amie en attrapant son uniforme au bas du lit pour se rhabiller. Tu le sais aussi bien que moi : ce jour sera le plus long de notre existence. Pour certains, en tous cas. Je l'ai attendu très longtemps, alors je dois être prête à l'heure.

— Dans ce cas, je regrette de te l'avoir dit ! » bouda la petite blonde en se recroquevillant plus encore dans les draps.

Mikasa l'ignora et enfila sa brassière serrée de soldat avant de ramasser la gaine à bonnets et jarretelles, nettement plus affétée et princière, pour la rendre à sa propriétaire. La jeune reine fit tourner la lingerie rigidifiée de baleines et de renforts entre ses doigts graciles avec scepticisme. Une fois la brune revêtue de sa chemise et de son pantalon, elle ignora la rétivité de la plus petite et l'aida à passer le sous-vêtement complexe et à fermer les attaches dorsales. Ses seins menus remplissaient joliment les capuchons de dentelle bleutée cousus sur-mesure au corsage simple mais coquettement gainant, sous lequel elle enfila une culotte légère avant d'ajuster ses bas. Mikasa trouva un peigne laqué dans l'un des tiroirs du meuble de toilette et s'assit derrière elle pour la coiffer. Chrysta se laissa faire, docile, tandis que la plus grande démêlait sa paille ébouriffée.

« Tu aurais pu passer la nuit avec Jean... » déclara soudain la régente, et le soldat se raidit.

— Pourquoi dis-tu ça ?

— Tu sais très bien pourquoi.

— Oui. Ce que je voulais dire c'est : pourquoi gâches-tu ce moment ? »

Dernière Guerre Pour le Paradis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant