Lettre

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À mon tour de te demander par où dois-je commencer. Pour bien faire, il faudrait peut-être que je sache aussi comment je dois t'appeler. Par ton prénom, non ? Un bonjour serait un peu informel en réponse à une lettre je trouve, du moins c'est mon avis. Un coucou, c'est bon pour les textos ou quand on se parle en vidéo ou Facebook, qu'en penses-tu ? Salut, ça fait vulgaire, mon père me dit toujours, quand tu dis salut à quelqu'un, ça veut dire « je t'emmerde » alors pour moi, c'est inapproprié. Hello, peut-être ? Non, ça encore je trouve que ça fait tâche. Je ne sais donc pas, je suis comme toi, et si on faisait au feeling ? Pour ma part, tu me salues comme tu le sens, je ne t'obligerai en rien.

Comment me saluent les gens qui ne me côtoient pas, mais qui veulent me parler ? J'avoue que jusqu'à maintenant je n'y ai fait guère attention. Beaucoup s'approchent de moi et me font un petit sourire. D'autres se présentent directement. Je dois bien avouer que si je ne connais pas, je ne suis pas vraiment intéressé. En fait, ça ne m'a jamais interpellé jusqu'à présent. J'y ferais gaffe à l'avenir et peut-être qu'ensuite, je pourrais te donner une réponse claire et nette. Je ne suis pas du genre non plus à aller vers l'inconnu, on vient pour la plupart du temps vers moi et la preuve, ça fait un bon moment que je t'ai repéré et je ne me suis jamais dirigé vers toi. Pourquoi ? Je n'en sais rien, je ne peux pas dire que je suis timide, si j'ai quelque chose à dire je le fais sans détour. Mais je me voyais mal t'approcher et te dire « salut, on va boire un verre ensemble ? Je te trouve mignonne ». Ça aurait fait vulgaire, hein ? C'est ce que je pense en tout cas. J'avais déjà constaté que tu étais timide et effacée, je t'observe depuis un bon moment. Pas que je t'espionne, c'est jusque tu m'as, comment dire, taper dans l'œil ? Je suis quelqu'un de direct, donc je ne vois pas pourquoi je te mentirais sur ce sujet-là.

Je ne pense pas que tu sois folle, même si s'adresser à quelqu'un par lettre est devenu très peu courant. Ma mère me raconte souvent qu'autrefois, c'était sur un bout de papier qu'elle s'adressait à son amoureux lorsqu'elle était lycéenne ou qu'elle voulait s'adresser en cours à ses copines sans se faire pincer par le professeur. Elle aime me raconter quelques petites anecdotes de sa vie de lycéenne. Souvent, elle rigole et franchement, là je la traite un peu de folle, mentalement bien sûr, ce serait lui manquer de respect sinon. Mais je dois bien avouer que mon frère et moi on aime l'écouter. Il n'y a plus que moi à présent à la maison alors ses petites histoires redoublent, elle me dit dans ces moments-là "je n'ai plus que toi mon fils pour raconter tout ça, prends-en de la graine". J'avoue, elle est un peu timbrée, mais adorable. Bref, ce n'est pas puéril ne t'inquiète pas, j'aime même ce genre d'approche que je ne ferais pas avec tout le monde bien entendu. Tu n'as donc pas à t'en faire pour ça, si tu te sens plus à l'aise ainsi, ça ne me dérange pas.

Je vais à présent entamer un sujet qui fâche, surtout, n'ait crainte mais je préfère être franc dès le départ avec toi. Après, si tu veux continuer nos échanges tant mieux, en le cas contraire je dirais tant pis, même si ça me peinerais un peu. Je ne suis pas Quentin, mais l'un de ses amis. Tu as dû te tromper de casier où on t'a mal renseigné. Je n'ai pas trop envie de dévoiler mon prénom pour l'instant, pas que je veux rester dans l'anonymat, mais peut-être qu'ainsi, tu voudras bien qu'on apprenne à se connaître tout en discutant sans arrières pensées. Si tu me le demandes, je te dirais qui je suis bien entendu. En attendant, appelle-moi Max.

Je vais être sincère sur un autre point avec toi, observer Quentin est une perte de temps, comme tu le sais, il est en couple et heureux. Il est même éperdument amoureux de Marion, au pire, tu pourrais devenir son amie mais ça s'arrêtera là. Mais comme tu le dis, tu es timide, tu ne feras pas le premier pas. C'est une qualité que tu as et qui est un défaut en même temps, savoir s'affirmer dans la vie est primordial. Je ne te juge pas, je te comprends. Tout le monde n'a pas le cran pour s'afficher devant lui et lui exprimer ses sentiments. Je repense à une fille à la chevelure aussi rouge que du feu, qui sans avertir qui que ce soit lui a avoué sa flamme devant pas mal de monde. Tu l'as connaît, je t'ai déjà vu avec elle, elle se nomme Ambre. Cette fille m'a bien fait rire sur le coup, elle a un certain aplomb, je dois bien l'avouer. Quentin lui a souri et lui a répondu en être flatté, mais que son cœur était déjà pris. Depuis, elle est souvent là, mais je ne sais pas si c'est encore lui qu'elle observe. Ils se sont déjà salués à plusieurs reprises, mais je ne pourrais dire s'ils sont devenus amis. C'est mon pote pourtant, mais il s'affiche rarement avec Ambre que c'est dur de comprendre ce qui le lie désormais à elle. Je n'ai pas envie de te faire de la peine, loin de là mon intention, il fallait juste que tu le saches.

Ce n'est pas stupide de lui avouer ton amour par lettre, évidemment, pour qu'il le sache, il aurait fallu qu'elle tombe entre ses mains, mais je ne le lui ai pas donné, ça n'aurait servi à rien. Tu vas peut-être me traiter de gonflé, mais je le répète, ce serait une perte de temps. J'ai comme l'impression que l'aimer pèse sur ton cœur et je ne sais pas comment faire pour t'aider à alléger ce poids. Si parler avec moi te soulage, je serais ravi de t'aider de cette façon.

Tu as raison sur un point, le rire de Quentin est joyeux et franc, quant à ses yeux, ils reflètent sa personnalité. Le contact avec lui est simple et j'aime passer des moments avec lui. Tu te trouves opposée à lui ? Et bien figures-toi que c'est mon cas également. Si tu veux que je m'épanche plus là-dessus je le ferais, mais uniquement à ta demande.

Je peux très bien voir la souffrance que tu caches au fond de tes yeux ainsi que cette douleur que tu traînes derrière toi. Je me suis toujours demandé, depuis la première fois que je t'ai croisé, pourquoi ? Après tout, tu es jolie, tu as l'air d'être quelqu'un de censé, sans artifices. Tu es discrète et on ne t'entend jamais crier, pour moi, tu es quelqu'un qu'on peut qualifier d'unique. Tu n'es pas comme ses greluches qui s'extasient pour tout et n'importe quoi.

Tu me parles de ton cœur, tu as des problèmes de santé ? Ne t'inquiète pas, tout ce qu'on se dit reste confidentiel. Je sais que donner sa confiance à quelqu'un est dur pour chacun d'entre nous, surtout lorsque l'on ne se connaît pas. Mais je t'assure, tu peux avoir toute confiance en moi et puis, je ne vois pas l'utilité d'aller divulguer tout ce que tu me confies. Comme toi, je suis certain que tu ne t'amuserais pas à faire pareil de ton côté.

Sache que tu ne m'ennuies pas le moins du monde, tu peux me dire tout ce qui te passe par la tête, même si je sais que ce n'était pas avec moi que tu voulais discuter, mais avec Quentin. J'espère que ça ne te dérangera pas et que me parler par lettre te fera plaisir. Moi en tout cas, ça me remplit le cœur de joie. Je suis stupide, n'est-ce pas ? À mon tour de me faire passer pour un fou.

Ne dis pas que tu n'as aucun droit d'aimer, les sentiments ne se commandent pas. Il y a un dicton qui dit : le cœur à ses raisons que la raison ignore. Et je pense que c'est vrai. Aimer viens tout seul, d'un claquement de doigts et ça ne se maîtrise pas.

Bon, je vais m'arrêter là, en espérant que tu aies le courage de lire cette longue lettre et peut-être, me faire une réponse ? Sur ce, en attendant peut-être d'avoir un retour de ta part, je te souhaite aller pour le mieux. À bientôt peut-être, ça ne dépendra que de toi et si jamais tu veux donner une suite, glisse ta prochaine lettre dans le même casier.

Max

Parle-moi d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant