Chapitre 1

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Mardi, 7 mars 2017

Mrs Styles est d'humeur enjouée aujourd'hui. Elle n'arrête pas de parler et de s'agiter nerveusement. Je l'écoute sagement, relève de temps à autre la tête et balbutie quelques mots. Il semble que rien ne pourrait l'arrêter, même mon humeur maussade ne la réfrène pas dans son plaisir de converser.

J'affiche pourtant une tête de dix pieds de long, d'énormes poches sous les yeux et un teint blafard qui offusquerait un mort.

La nuit a été longue. Hier était un soir de match. J'ai travaillé jusqu'à pas d'heure dans les cris victorieux des supporters. J'ai servi plus d'une cinquantaine de pintes. La plupart des hommes ont fini saouls. J'ai aussi dû passer quelques coups de téléphone pour les faire reconduire chez eux, avant de nettoyer la pagaille qu'ils avaient flanquée dans le pub où j'ai trouvé un job étudiant dès mon arrivée à Londres.

Harry, mon patron, avait autant bu que ses clients. Après avoir passé un coup de torchon, je l'ai aidé à regagner ses appartements. Monsieur n'arrivait plus à mettre un pied devant l'autre, et ne cessait de répéter : « On les a bien baisés profond ! ».

Charmant, mais pas très déconcertant dans la bouche du barbu !

Lui comme moi avons une inclination pour le langage cru, surtout quand nous sommes éméchés.

Il n'a fallu qu'une poignée de secondes avant que ses ronflements n'envahissent sa chambre. Après lui avoir ôté ses bottines et l'avoir bordé comme un bébé, j'ai souri devant le spectacle offert. La bouche grande ouverte, un filet de bave au coin des lèvres et les yeux révulsés, il ronflait si fort qu'on aurait dit que son ventre renfermait le moteur d'une vieille voiture. Amusée, je l'ai filmé à son insu.

Au vu de l'absence de réponse, je suppose qu'il n'a pas encore vu la vidéo envoyée de bon matin.

— Mon petit Charlie grandit si vite !

Mrs Style continue de jacasser. Je hoche la tête pour seule réponse, l'incitant à poursuivre son monologue.

Pendant ce temps-là, je sors mon smartphone. J'ai reçu trois sms depuis que j'ai quitté mon appartement.

Un de ma mère qui me souhaite un heureux anniversaire et qui me demande de l'appeler demain matin.

Un autre de ma tante Betty qui est, en fait, un gif de Kit Harrington dont les fesses me narguent, avec en légende : « HB sweetie ! Enjoy !!! XOXO ». Depuis que je lui ai conseillé la série fantastique, elle semble totalement sous le charme de Jon Snow. Qui ne le serait pas avec des bouclettes pareilles !?

Le dernier message provient de Lola, dont le ton autoritaire m'ordonne de rejoindre le Chocolat chaud.

Le café pour étudiants est devenu notre repaire. Avant de débuter une journée de cours, le Chocolat chaud offre, en plus des viennoiseries, le Saint Graal que nous buvons chaque matin.

Lola est la seule fille avec laquelle je me suis réellement liée d'amitié à la fac, malgré nos différences. Ses cheveux blond platine sont coiffés en un carré élégant, peu importe qu'il vente ou qu'il pleuve. Et ses lèvres pulpeuses ne sont jamais dénudées d'un rouge vif. Elle fait partie de ces femmes qu'on admire et déteste à la fois.

Mrs Styles est toujours plongée dans son monologue auquel je ne prête qu'une oreille distraite.

Je réponds en hâte aux sms. Je gratifie ma tante d'un gif de Kit faisant un clin d'œil raté, et ma mère d'un brève réponse positive. Ensuite, je prends un selfie de ma sale tête, les yeux levés au ciel, que j'envoie à Lola. Celle-ci comprendra sans mal que je me trouve encore dans le métro. On n'a pas tous la chance d'être véhiculés !

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant