Chapitre 8

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Mes yeux sont focalisés sur LUI. Il a le teint blafard et me fixe, étonné. Son regard louche ensuite sur les débris qui jonchent le sol avant d'osciller entre Scott et moi.

Quant à Scott, il me considère avec amertume. Il ne prononce plus rien et s'en va.

Je file dans la réserve à la recherche du balai. Je laisse la colère me consumer en donnant un coup de pied dans l'un des fûts, mais je regrette aussitôt mon geste. Une douleur lancinante se répercute de ma cheville jusqu'au bout de mes orteils. Elle m'arrache des jurons étouffés par mon poing alors que la porte s'ouvre derrière moi.

Harry se tient dans l'embrassure. Même si mes plaintes suivies de grimaces feraient rire n'importe qui en temps normal, il reste impassible. De son imposante carrure, il me bloque le chemin.

— Excuse-moi. Je n'aurais pas dû réagir ainsi...

Je n'ai pas besoin de me justifier davantage, qu'il m'interrompt en passant un bras autour de ma taille. Il me répète que ce n'est rien, que ça arrive à tout le monde de s'emporter, que certains mots peuvent nous faire disjoncter de manière irrationnelle.

Son torse large est un appel au réconfort, tel un moelleux coussin dans lequel on enfouit sa tête les jours où on aurait préféré se taire que d'en dire trop. Je m'y laisse choir alors qu'il resserre son étreinte, soupçonnant les sentiments qui m'agitent après cette altercation.

Scott a réellement dépassé les bornes.

C'est finalement Jack qui rompt notre tête-à-tête. Accoudé au bar, il demande — ou plutôt, geint — qu'on lui serve encore une bière.

— Ça va aller ? s'inquiète Harry.

Son regard sonde le mien, pendant que son pouce caresse tendrement ma joue. Je ne fais que hocher la tête, le remerciant silencieusement par un sourire.

Comment au milieu de cette noirceur accentuée par le khôl sommeille autant de douceur ?

Armée du balai et de la ramassette, je rejoins l'homme de la Victoria Line. Il est resté planté sur le seuil de l'entrée, où il aurait été éborgné s'il avait poussé la porte du pub quelques secondes plus tôt.

Il s'accroupit en même temps que moi pour nettoyer les preuves de mon emportement, si bien que nous nous cognons le front. Je tombe sur mes fesses, le maudissant, mais ma mauvaise humeur s'envole dès que je le découvre dans la même position que moi. La main sur le front, nous rions tous les deux de notre maladresse.

Maintenant qu'il a retiré la main de son front, ce dernier ne dévoile pas une bosse, sinon une traînée de sang. Celle-ci s'est imprimée au contact de sa paume entaillée par un morceau de verre. Il a dû se couper en s'affalant sur le sol.

— Vous vous êtes blessé ? Je sais que j'ai parfois la tête dure, mais je ne la croyais pas acérée à ce point ! plaisanté-je.

J'ai intérêt à vite ramasser les débris avant qu'il n'y ait d'autres blessés.

— Ce n'est rien... Vraiment, m'affirme-t-il au moment où j'examine sa main, alors qu'il grimace.

Je secoue la tête, un sourire moqueur sur les lèvres. Je le prie de se mettre debout afin que je le soigne. Il s'assoit sur un tabouret pendant que je récupère la trousse médicale qui nous est bien utile lorsqu'il y a des bagarres.

Quand je désinfecte la plaie avec un tampon d'ouate et de l'alcool, il se raidit. Il se retient de grimacer, mais c'est peine perdue. Ses dents se plantent dans sa lèvre inférieure, alors que je pouffe.

Après avoir inspecté sa main sous tous les angles, je suis soulagée de constater qu'aucun corps étranger n'y est logé. Heureusement, le morceau de verre n'est pas rentré profondément dans la chair. La blessure n'est guère profonde. Il n'a donc pas besoin de points de suture.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant