Chapitre 26

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— Un dernier verre ? nous propose le serveur.

J'offre une mine suppliante à Chris, mais il demande l'addition après avoir refusé la proposition.

— Je te promets un verre, mais pas ici, se justifie-t-il.

Intriguée, je le fixe. Il affiche le même air mystérieux qu'il m'a octroyé un peu plus tôt dans la soirée.

Des idées luxurieuses s'immiscent dans mon esprit. Même après la part de tarte aux figues et la boule de glace aux amandes, je suis affamée. Je le veux comme dessert.

Après avoir bataillé, je paie la moitié de la note. Nous n'avons pas vu le temps s'écouler. Il est près de vingt-trois heures trente lorsque nous quittons Wonderland. L'atterrissage en plein Londres est difficile. Quelques secondes plus tôt, une ballerine nous faisait entre les tables des arabesques sur la Danse de la Fée Dragée. Maintenant, les bruits de la capitale nous engloutissent.

Nous restons à l'abri de la bruine, sous l'auvent du restaurant. L'humidité du printemps me pique les joues. Je tire sur le col de mon perfecto. Mon geste attire l'attention de Chris, précisément sur mon épiderme couvert de frissons. Malgré le balconnet de la combinaison, mes tétons se dressent sous la doublure.

— Il est tard. Je comprendrais que tu préfères rentrer chez toi... auprès de ta femme et de ton fils que d'aller boire un dernier verre en ma compagnie.

— Jamie doit être profondément endormi à cette heure. Du moins, je l'espère ! me répond-il dans un rire. Personne ne m'attend chez moi.

Étrange. Il n'évoque pas Elizabeth.

— Toujours partante pour une dernière surprise ?

Je hoche la tête.

Lui et moi ne disons rien. Il n'y a aucune prise de tête. Aucun besoin de parler pour combler le silence. Comme si nous avions passé un accord au préalable. Nous marchons côte à côte.

Son corps se rapproche dangereusement du mien, et je sens une délicieuse tension croître au creux de mon ventre. En lui jetant un coup d'œil, je le surprends en train de me regarder de biais. Pris sur le fait, il s'empourpre. Il ne se défend pas, ni ne justifie son regard.

Celui-ci s'obscurcit alors que j'humidifie mes lèvres. Il semble tracer leur contour, avant de descendre lentement plus bas. Sur ma poitrine qui se baisse et se soulève au rythme saccadé de ma respiration.

Tout à coup, je n'ai plus froid.

— Chris ?

— Hum...

Chris se reporte son intérêt devant lui. L'électricité retombe comme un soufflé.

— Est-ce que nous sommes bientôt arrivés ?

— Bientôt. Toujours si impatiente ?

— Je brûle d'impatience !

Nous longeons les luxueux magasins d'une rue commerçante reliant Oxford Street et Piccadilly. Les vitrines de Bond Street sont toutes illuminées. Enfin, nous prenons à droite, et j'aperçois de l'animation au bout de l'artère.

Sous des parapluies et une cigarette à la main, des personnes conversent entre elles. Elles sont toutes très bien habillées. Derrière elles, se dresse un haut bâtiment noir dont chaque étage est éclairé. Je lis l'enseigne marquée de lettres d'or.

— Une galerie d'art ?

Chris m'offre un clin d'œil. Sans un mot, il glisse sa paume dans la mienne et me conduit à l'intérieur.

Victoria Line (T1 de Thistly Heart)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant